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Promesse d’achat : un contrat à respecter!

Promesse d’achat : un contrat à respecter!

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Une promesse d’achat acceptée par les parties en bonne et due forme, malgré qu’elle ne soit pas le contrat de vente en soi, doit être respectée et son non-respect soit par le promettant-acheteur ou par le promettant-vendeur peut ouvrir la porte à certains recours.

Auteur : Manuel St-Aubin, avocat associé chez St-Aubin avocats

Dernière mise à jour : 2023-10

1. Bref rappel de la notion de promesse d’achat

Généralement, la vente d'un immeuble est précédée d'une promesse d'achat faite par le potentiel acheteur qui devra être acceptée par le vendeur pour ensuite procéder à l'acte de vente. 

Cette promesse d’achat en soi ne crée pas d’obligation pour le vendeur tant et aussi longtemps qu’elle n’est pas acceptée par celui-ci. En fait, elle constitue juridiquement une « offre de contracter »1.

Une promesse d’achat doit normalement comprendre tous les éléments essentiels du futur contrat de vente qui interviendra par la suite2, par exemple la description du bien vendu, le prix de vente, les divers délais et étapes en lien avec la vente, les accessoires, etc.

etc. Autant le promettant-acheteur que le promettant-vendeur ne peuvent trouver de prétextes pour ne pas respecter les clauses d'une promesse d'achat. Par exemple, un acheteur se doit de faire des efforts raisonnables pour trouver du financement pour l'achat de l'immeuble lorsqu'une première tentative de financement échoue.

Bref, une bonne promesse d’achat prévoit les étapes pour mener vers la vente et fait en sorte que l’acheteur et le vendeur savent précisément à quoi ils s’engagent. Une telle promesse d'achat acceptée constitue en soi un contrat que les parties se doivent de respecter.

2. L’action en passation de titre pour forcer le respect de la promesse d'achat

Dans le cas où le promettant-vendeur refuse de conclure l’acte de vente suivant la conclusion d’une promesse d’achat acceptée de part et d’autre, il est possible de forcer la vente par une action en passation de titre. Le Code civil du Québec encadre notamment cette situation à l'article 1712 :

  • 1712. Le défaut par le promettant vendeur ou le promettant acheteur de passer titre confère au bénéficiaire de la promesse le droit d’obtenir un jugement qui en tienne lieu.

La jurisprudence a énoncé les éléments essentiels à rencontrer pour intenter une action en passation de titre, notamment dans l’affaire St-Laurent c. De Chanteloup3 :

  • 1) Promesse d’achat valide et exécutoire;
  • 2) Mise en demeure;
  • 3) Présentation d’un acte de vente substantiellement conforme à la promesse d’achat acceptée de part et d’autre;
  • 4) Offre et consignation du prix de vente indiqué à la promesse;
  • 5) Action intentée dans un délai raisonnable.

Il est cependant important à noter que le recours en passation de titre est principalement valable pour l'acheteur qui veut forcer le vendeur à respecter la promesse d'achat. C'est un recours qui est peu utile au vendeur et difficilement disponible. Normalement, le vendeur se contentera d'un recours en dommages contre le promettant-acheteur défaillant, notamment pour la différence entre le prix prévu à la promesse d'achat et le prix de vente réel qui a été accordé par la suite à un autre acheteur.

La Cour d'appel du Québec, dans l'affaire De Chanteloup c. St-Laurent, 2021 QCCA 90, écarte la possibilité pour un vendeur de procéder à la passation de titre sauf dans de rare cas. En effet, ce recours sera possible notamment si les sommes en considération de l'achat sont entièrement disponibles dans un compte en fidéicommis (par exemple chez le notaire, par. 78).

La Cour d'appel dans cette affaire énonce les critères à rencontrer par le vendeur pour procéder via une passation de titre (par. 66):

  • préparer un contrat de vente, le signer devant notaire;
  • offrir ses titres et l'accomplissement de ses propres obligations;
  • fournir un certificat de recherches s'il s'est engagé à le faire;
  • sommer l'acheteur de signer le contrat et de payer le prix;
  • renouveler ses offres et faire les consignations nécessaires.

Comme le rappelle la Cour d'appel, il est difficile d'obtenir que le prix de vente soit payé par l'acheteur alors que c'est justement à cause que l'acheteur ne veut pas procéder à la vente que le recours est intenté, il sera donc en pratique rarissime que la passation de titre soit un recours possible ou souhaitable pour le vendeur :

  • [74] Au contraire de l’acheteur bénéficiaire du jugement, le vendeur a peu d’emprise sur le caractère exécutoire du jugement qui lui est favorable. Il est littéralement dépendant de la volonté de l’acheteur de payer le prix. L’article 1712 C.c.Q. ne lui est alors d’aucun secours. Le jugement ne peut tenir lieu de vente et ne peut en conséquence être translatif du droit de propriété, à moins que l’acheteur n’ait effectué le paiement, lui qui, par ailleurs, refuse ou néglige de signer l’acte.
  • [75] Cette différence notable, selon que l’initiative du recours est celle du vendeur plutôt que de l’acheteur, illustre les limites inhérentes à l’exécution en nature de l’obligation de l’acheteur. Le vendeur qui recherche passation de titre doit satisfaire deux conditions d’égale importance pour la réussite du recours. À l’exigence incontournable d’offrir un titre clair, s’ajoute la nécessité d’obtenir l’assurance du versement du prix de vente. Si le vendeur poursuivant est en mesure d’exercer un contrôle sur la première, la deuxième lui échappe.
  • [76] L’exécution forcée du jugement en passation de titre en faveur du vendeur est inconciliable avec la nature même du jugement prononcé en vertu de l’article 1712 C.c.Q. Par définition, ce jugement ne peut être conditionnel. Il ne peut être dépendant de la volonté du promettant-acheteur de payer le prix de vente. S’il n’est jamais acquis qu’un jugement exécutoire soit, en définitive, exécuté, cette réalité est difficilement compatible, voire incompatible, avec la nature même du jugement en passation de titre.
  • [...]
  • [102] Il se trouve en pratique que le recours du vendeur en passation de titre est rarement opportun, voire rarement possible, en matière immobilière. L’identité de l’acheteur est en définitive de peu d’importance pour le vendeur. C’est davantage le prix qui compte. En ce sens, le recours en dommages s’avérera généralement plus propice.

3. Quoi faire si le promettant-vendeur vend à un autre acheteur

Il peut arriver que le promettant-vendeur vende un immeuble à un autre acheteur en violation d’une promesse d’achat valide ayant été faite avant cette vente.

Le promettant-acheteur lésé se retrouve donc dans l’impossibilité d’acheter l’immeuble que le vendeur lui avait promis de vendre, car ce dernier l’a vendu à un autre.

Dans ce cas, la loi indique que l’acte de vente passé en violation d’une promesse d’achat ne peut être annulé par le promettant-acheteur lésé, ce dernier devant se contenter de l’action en dommages-intérêts6

Cependant, dans la situation où le vendeur s'apprête à vendre l'immeuble en violation d'une promesse d'achat et qu'il ne l'a pas encore vendu, la Cour supérieure dans l’affaire Dimopoulos c. Gélinas7 a récemment accordé à un promettant-acheteur lésé une injonction provisoire ordonnant au vendeur de ne pas vendre son immeuble à un autre acheteur. À noter que cette injonction était en lien avec un recours en passation de titre intenté par le promettant-acheteur.

5. Conclusion

Autant pour le promettant-acheteur que pour le promettant-vendeur, une promesse d’achat valide et acceptée de part et d’autre doit être respectée et un acte de vente doit suivre. Si tel n'est pas le cas, différents recours prévus à la loi sont possibles, notamment l'action en passation de titre et/ou le recours en dommages.

* ATTENTION : Les informations de cet article sont d’ordre général et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni reflètent l'état du droit de façon exhaustive. Les faits peuvent varier d’une situation à l’autre et potentiellement changer toute réponse d’ordre juridique. Une consultation avec un avocat concernant votre cas particulier est vivement recommandée.

1. Article 1396 du Code civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991 (ci-après «C.c.Q.»).

2. Art. 1388 C.c.Q.

3. 2018 QCCS 2816 (CanLII), par. 145-147, à noter que les critères afin d’intenter une action en passation de titre ont été assouplis par les tribunaux; Voir aussi De Chanteloup c. St-Laurent, 2021 QCCA 90.

4. Préc. Note 3.

5. St-Laurent c. De Chanteloup, préc. Note 3, par. 130-134.

6. Art. 1397 C.c.Q.; À noter que le recours en inopposabilité prévu à l'article 1631 C.c.Q. n'est pas une solution pouvant contourner les restrictions de 1397 C.c.Q. À ce sujet, voir Landry c. 4300912 Canada inc., 2013 QCCA 835, Beauséjour c. St-Jean, 2015 QCCS 800, par. 10 et McMahon Distributeur pharmaceutique inc. c. Pharmacie Marie- Ève Gélinas inc., 2017 QCCS 3204.

7. 2018 QCCS 1485 (CanLII), voir aussi Rona inc. c. Cadieux & Associés, 2014 QCCS 5466. 

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Auteur de cet article
M<sup>e</sup> Manuel St-Aubin
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

St-Aubin avocats inc. est un cabinet spécialisé en litige civil et commercial, en immobilier et construction. Fort d’une équipe d’expérience en litige, St-Aubin avocats inc. cherche à donner l’heure juste à ses clients, tout en les menant vers les solutions les plus adaptées pour résoudre les problèmes rencontrés. L’approche pragmatique et efficace du cabinet nous permet de trouver des solutions alliant le droit aux affaires. Notre cabinet intervient principalement dans des litiges immobiliers, de construction et des litiges commerciaux (conflits entre actionnaires et conflits commerciaux).