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La production en preuve d’un écrit d’entreprise par son destinataire : deux jugements pertinents

La production en preuve d’un écrit d’entreprise par son destinataire : deux jugements pertinents

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Par : Manuel St-Aubin, avocat.

Commençons avec la citation de l’article 2831 du Code civil du Québec (C.c.Q.) :

2831. L’écrit non signé, habituellement utilisé dans le cours des activités d’une entreprise pour constater un acte juridique, fait preuve de son contenu.

L’exemple le plus éloquent d’un écrit d’entreprise est sans contredit le reçu de vente remis normalement au client qui vient d’effectuer un achat. Ce reçu viendra alors constater le contrat de vente entre le client et le commerçant.

Or, afin de produire en preuve au tribunal un écrit d’entreprise, par exemple des factures, des reçus de vente ou des relevés bancaires, la règle générale est que l’on doit « prouver que cet écrit émane de celui qu’il prétend en être l’auteur »[1].

1. Côté-Gagnon c. 9113-5830 Québec inc., 2007 QCCS 4915[2] :

Dans cette affaire, il est question du dépôt en preuve des relevés bancaires, où le tribunal, sous la plume de la juge Louise Moreau j.c.s. pose la question suivante :

Les relevés bancaires doivent-ils être déposés en preuve par leur auteur ou peuvent-ils l'être par leur destinataire?

Le tribunal explique alors la règle générale voulant qu’« en cas de contestation de la mise en demeure de reconnaître la véracité ou l'exactitude de la pièce, […] il semblerait qu'il faille alors assigner l'auteur de celle-ci »[3]. Comme le souligne le tribunal dans une citation, « cette preuve se fera par le témoignage, par exemple, d'un représentant de l'entreprise de qui émane l'écrit »[4].

Le tribunal résume la règle générale ainsi :

[55] Cela dit, notons que l'article 2835 C.c.Q. ne prévoit pas que la preuve de l'identité de l'auteur doive nécessairement consister en le témoignage de ce dernier. Le professeur Royer mentionne d'ailleurs que le plaideur qui entend invoquer un écrit visé à l'article 2831 C.c.Q. doit établir l'origine du document, sans plus. Si l'écrit était signé, il devrait prouver la signature; dans le cas contraire, il doit établir que cet écrit émane de celui qu'il prétend en être l'auteur.

Le tribunal conclut que le destinataire des relevés bancaires pourrait être compétent pour produire en preuve ces écrits d’entreprises :

[57] Ainsi, le fait que l'écrit soit en la possession du client à qui il a été délivré rend-t-il ce dernier compétent pour le produire en preuve et prouver qu'il émane de celui qu'on prétend en être l'auteur?

[58] À la lumière de ce qui précède, cela semble possible. Recevant de tels relevés de façon périodique, la connaissance et la familiarité du client avec cette pièce ne font aucun doute. Le client ne détient-il pas l'original du relevé? La preuve corrobore par ailleurs le témoignage du client quant à l'identité de l'auteur de ces relevés.

[59] Le tribunal conclut donc que l'objection qui a déjà été rejetée lors de l'enquête et audition l'a été pour cause.

2. Bolla c. 9069-4316 Québec inc., 2014 QCCQ 6481[5] : application de Côté-Gagnon c. 9113-5830 Québec inc.[6] :

Dans cette décision rendue par la juge Julie Messier de la Cour du Québec, la conclusion suivante est tirée du jugement Côté-Gagnon :

[27] Aux présentes, P-1 est un relevé de carte de crédit, P-2 une facture de Budget Propane, P-3 un Relevé bancaire, P-4 un relevé bancaire. Ces quatre documents correspondent au type d'écrits identifiés à l'article 2831 C.c.Q.

[31] Dans Côté-Gagnon c. 9113-5830 Québec inc. la juge Moreau en tire l'interprétation suivante : « soit que le fait que l'écrit soit en la possession du client à qui il a été délivré, rend le client compétent pour le produire en preuve et prouver qu'il émane de celui qu'on prétend en être l'auteur.»[7]

[32] L'objection quant au dépôt de P-1, P-2, P-3 et P-4 est donc rejetée. Mais cela n'en fait pas pour autant que le contenu du document est réputé admis ou encore qu'on lui reconnaisse une valeur probante irréfutable. La présomption n'est que juris tantum et les défendeurs peuvent les repousser par tout moyen de preuve.

Il appert donc que le client à qui est remis l’écrit visé par l’article 2831 C.c.Q. serait dans certains cas compétent pour le produire en preuve.


* ATTENTION : Les informations de cet article sont d’ordre général et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni reflètent l’état du droit de façon exhaustive. Les faits peuvent varier d’une situation à l’autre et potentiellement changer toute réponse d’ordre juridique.

[1] Code civil du Québec (C.c.Q.), art. 2835.

[2] http://t.soquij.ca/a4T6S; Requête en rejet d’appel accueillie dans 9113-5830 Québec inc. c. Côté-Gagnon, 2007 QCCA 1222 :http://t.soquij.ca/p9MNq.

[3] Préc., note 2, par. 52.

[4] Préc., note 2, par. 54, citant Pierre TESSIER et Monique DUPUIS, « Les qualités et les moyens de preuve», dans Collection de droit 2006-2007, École du Barreau du Québec, vol. 2, Preuve et procédure, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2006, p. 293.

[5] http://t.soquij.ca/i7R6Z

[6] Préc. note 2.

[7] Nos soulignements.

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Auteur de cet article
M<sup>e</sup> Manuel St-Aubin
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

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