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Vente d’un immeuble : l’obligation de délivrance d’un bien conforme à celui convenu lors de la vente.

Vente d’un immeuble : l’obligation de délivrance d’un bien conforme à celui convenu lors de la vente.

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Lorsqu’il y a vente d’un bien, le vendeur doit délivrer le bien vendu à l’acheteur. Bien que cela soit un principe simple et évident, cette obligation comporte des subtilités, surtout en matière de vente d’un immeuble, où la prise de possession de l’immeuble se fait normalement après la conclusion de la vente. Retour sur les principes applicables et analyse de l’affaire récente Syndicat de la copropriété Condos Rêve c. Propriétés Belcourt inc. 2019 QCCQ 5185.

Par Manuel St-Aubin, avocat.

L’obligation de délivrance du bien

Le Code civil du Québec (C.c.Q.) édicte à son article 1716 que « le vendeur est tenu de délivrer le bien, et d'en garantir le droit de propriété et la qualité […]».

Le vendeur d’un bien est tenu délivrer le bien à l’acheteur, et pour ce faire, il doit mettre l’acheteur en possession du bien vendu (art. 1717 C.c.Q.).

Bien que ces principes soient évidents, plusieurs subtilités peuvent intervenir dans le cadre de la délivrance d’un bien vendu.

En effet, si la délivrance du bien vendu se fait après la conclusion de la vente, ce qui est souvent le cas en matière immobilière alors que l’on peut signer l’acte de vente avant la prise de possession de l’immeuble, le vendeur a l’obligation de délivrer le bien vendu dans le même état qu’il était le jour de la vente (art. 1718 C.c.Q.). De plus, le vendeur doit délivrer le bien conforme à « la contenance ou la qualité indiquée au contrat » (art. 1720 C.c.Q.).

Normalement un vendeur ne pourrait donc pas remettre à l’acheteur un bien non conforme à ce qui a été convenu lors de la vente. Évidemment, l’acheteur s’attend à payer et prendre possession du bien qu’il a acheté et non d’un autre bien.

Cette obligation de délivrance est à la charge du vendeur et est une obligation de résultat, comme le dit le juge Alain Breault J.C.Q. dans l’affaire Syndicat de la copropriété Condos Rêve c. Propriétés Belcourt inc.[1] :

  • [42] La doctrine et la jurisprudence enseignent que l’obligation de délivrance qui repose sur le vendeur est une obligation de résultat. Souvent associée à la superficie indiquée au contrat, l’obligation de délivrance ne se limite pas à cette idée. Elle concerne aussi l’identité, la quantité et parfois même la qualité du bien vendu[2].

Ces règles logiques et évidentes en matière de vente, peuvent parfois donner lieu à certains litiges en matière immobilière.

Exemple de litige immobilier en lien avec l’obligation de délivrance du bien

Dans l’affaire Syndicat de la copropriété Condos Rêve c. Propriétés Belcourt inc.[3],le demandeur, le Syndicat de la copropriété, acheteur d’un lot de stationnement et de rangement inclut dans la vente d’une unité de condo servant pour le concierge de l’immeuble, poursuit le promoteur immobilier vendeur, Belcourt, au motif notamment que ce dernier n’aurait pas délivré l’immeuble conforme à ce qui a été prévu dans le contrat de vente.

Un condo avec un espace de stationnement avait donc été vendu par Belcourt au Syndicat de copropriété. Le condo étant identifié par un numéro de lot au Cadastre du Québec, et le stationnement et l’espace de rangement étant identifié par un numéro d’espace et non un numéro de lot.

Le Syndicat de copropriété a reproché à Belcourt de lui avoir vendu un espace de stationnement et de rangement qui, dans les faits, ne pouvait pas servir à l’usage auquel il était dédié. En effet, selon le Syndicat de copropriété, l’espace ne pouvait pas être utilisé comme stationnement en raison de la configuration des lieux et de la règlementation municipale, de plus qu’il n’y avait aucun casier de rangement aménagé à cet espace[4].

Le Syndicat de copropriété (l’acheteur) réclame donc à Belcourt, la valeur marchande de l’espace de stationnement et de rangement n’ayant pas été délivrés, soit 34 500,00$ plus 7 475,00$ pour aménager un espace de rangement. Le Syndicat a réclamé à Belcourt également 8 025,00$ en dommages pour troubles, ennuis et inconvénients subis et pour perte de jouissance de la collectivité des copropriétaires[5].

Nous faisant état des règles applicables en matière de délivrance et de la jurisprudence de la Cour d’appel du Québec en cette matière, le juge Breault énonce ce qui suit :

  • [45] L’obligation de délivrance concerne non seulement le bien vendu comme tel, mais aussi tous ses accessoires, de sorte que l’acheteur puisse obtenir la jouissance normale du bien acheté à laquelle il peut légitimement s’attendre. La Cour d’appel, dansGuertin c. Parent, précise d’ailleurs que l’obligation de délivrance est assortie d’une obligation accessoire de renseignement dont la finalité est de permettre à l’acheteur de se faire une idée raisonnable de la conformité du bien en fonction de ses attentes légitimes.
  • [46] Décider si le vendeur a satisfait à son obligation de délivrance est une question de fait. Elle est tributaire de toutes les circonstances de l’affaire, dont l’entente intervenue entre les parties, la nature du bien vendu et les attentes légitimes de l’acheteur[6].

Le juge Breault nous indique également au passage que la désignation d’un immeuble par son numéro de cadastre « ne signifie pas de ce seul fait que la vente est réalisée sans aucune importance pour sa superficie ou sa contenance »[7]. À noter que l’espace de stationnement et de rangement n’était pas désigné par un numéro de cadastre contrairement à l’unité de copropriété.

En application des règles précitées, le juge Breault conclut donc que le vendeur, Belcourt, ne s’est pas conformé à son obligation de délivrance du bien vendu en ce qui concerne l’espace de stationnement et de rangement, car ceux-ci ne peuvent ni être utilisés comme stationnent ni comme place de rangement, tel que cela était supposé l’être[8].

Soulignons au passage que le juge Breault dans cette affaire se prononce sur une mention que l’on retrouve généralement sur les contrats de vente d’un immeuble, soit celle qui mentionne que « l’acheteur prend l’immeuble dans l’état où il se trouve, après l’avoir examiné à sa satisfaction »[9]:

  • [60] Dans cette perspective, le Tribunal mentionne que la jurisprudence, à maintes reprises, a décidé que la mention dans un acte de vente que l’acheteur prend l’immeuble dans l’état où il se trouve, après l’avoir examiné à sa satisfaction, doit être considérée comme une clause de style n’ayant pas pour effet d’éteindre ou de limiter la portée des garanties légales auxquelles le vendeur est assujetti. Le même raisonnement est applicable pour rejeter l’argument soulevé par Belcourt à cet égard.

Il appert donc que cette clause a ses limites et ne peut en soi pas servir d’argument déterminant dans ce type de litige.

Devant l’absence de délivrance au Syndicat de copropriété de l’espace de stationnement et de rangement, le tribunal décide donc de condamner le vendeur, Belcourt, à payer au Syndicat la somme de 24 500,00$ pour la valeur du stationnement non délivré[10]et la somme de 7 475,00$ pour aménager un espace de rangement[11], plus les frais d’expert et les frais de justice.

En ce qui concerne les autres chefs de réclamation de troubles, ennuis, inconvénients et préjudice à la collectivité des copropriétaires, le tribunal a indiqué que la preuve n’était pas assez « étoffée ou explicite » et n’a pas accordé les dommages réclamés à ce titre[12].

Conclusion

Il est important de retenir que l’obligation de délivrance du bien est une obligation importante reposant sur le vendeur. Évidemment, l’acheteur est en droit d’obtenir le bien auquel il s’attend tel que stipulé dans l’acte de vente et par les attentes légitimes qu’il peut avoir.

Considérant que chaque cas peut varier en fonction des faits particuliers d’une affaire, je vous suggère de me contacter si vous souhaitez obtenir des conseils adaptés.

* ATTENTION : Les informations de cet article sont d’ordre général et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Les faits peuvent varier d’une situation à l’autre et potentiellement changer toute réponse d’ordre juridique. Une consultation avec un avocat concernant votre cas particulier est vivement recommandée.

[1] 2019 QCCQ 5185.

[2] Références omises.

[3] Préc., note 1.

[4] Syndicat de la copropriété Condos Rêve c. Propriétés Belcourt inc., préc. note 1, par. 15.

[5] Id., par. 29.

[6] Références omises.

[7] Syndicat de la copropriété Condos Rêve c. Propriétés Belcourt inc., préc. note 1, par. 47.

[8] Id., par. 49 et 53.

[9] Id., par 60.

[10] Id., par. 79.

[11] Id., par. 80.

[12] Id., par. 82.

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Auteur de cet article
M<sup>e</sup> Manuel St-Aubin
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

St-Aubin avocats inc. est un cabinet spécialisé en litige civil et commercial, en immobilier et construction. Fort d’une équipe d’expérience en litige, St-Aubin avocats inc. cherche à donner l’heure juste à ses clients, tout en les menant vers les solutions les plus adaptées pour résoudre les problèmes rencontrés. L’approche pragmatique et efficace du cabinet nous permet de trouver des solutions alliant le droit aux affaires. Notre cabinet intervient principalement dans des litiges immobiliers, de construction et des litiges commerciaux (conflits entre actionnaires et conflits commerciaux).