Cession de bail résidentiel : formalités et refus de la cession par le propriétaire
Lorsqu'un locataire désire quitter son logement en cours de bail, il peut soit opter pour la sous-location ou la cession de son bail. Lorsqu'il choisit de céder son bail, le locataire doit en aviser le propriétaire (le « locateur ») et ce dernier peut accepter la cession ou la refuser dans certains cas. Pour ce faire, plusieurs modalités doivent être respectées.
Auteur : Manuel St-Aubin, avocat
Dernière mise à jour suivant l'adoption du Projet de loi n° 31, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation: 2024-06
1. Bref rappel de la notion de cession de bail résidentiel
Le locataire qui désire quitter son logement et ainsi se décharger des obligations découlant du bail doit céder son bail à un éventuel locataire (le « cessionnaire »). Pour ce faire, le locataire doit donner au locateur un avis de son intention de céder son bail (art. 1870 C.c.Q.). Cet avis doit minimalement contenir les informations suivantes :
- Indiquer le nom et l'adresse de la personne à qui le bail sera cédé (art. 1870 C.c.Q.);
- Indiquer dans son avis de cession la date de cession prévue (art. 1978.1 C.c.Q.).
Le locataire qui cède son bail ne peut demander une contrepartie (par exemple une somme d'argent) en échange de la cession (art. 1978.3 C.c.Q.).
2. Le locateur (propriétaire) peut-il refuser la cession du bail d'un locataire ?
Depuis les modifications législatives de 2024, le locateur qui est avisé de l'intention du locataire de céder son bail peut refuser la cession sans la nécessité d'invoquer un motif sérieux auparavant exigé. Ainsi, si la cession du bail est refusée, le bail est résilié à la date de cession indiquée à l'avis de cession du locataire (art. 1978.2 C.c.Q.).
Les règles de l'article 1871 C.c.Q. continuent de s'appliquer à la cession concernant les modalités du refus. En effet, le refus du propriétaire de la cession du bail doit être faite dans un délai de 15 jours suivant la réception de l'avis de cession. Si ce n'est pas fait dans ce délai, le locateur est réputé avoir consenti à la cession du bail.
Le motif sérieux invoqué par le locateur (avant les modifications législatives de 2024)
Avant les modifications législatives de 2024, le principe général en matière de bail résidentiel était qu'en cas de cession de bail, le locateur avait besoin d'un motif sérieux pour refuser la cession de bail intervenue. Voir à cet effet l’article 1871 du C.c.Q. :
- 1871. Le locateur ne peut refuser de consentir à la sous-location du bien ou à la cession du bail sans un motif sérieux.
- Lorsqu’il refuse, le locateur est tenu d’indiquer au locataire, dans les 15 jours de la réception de l’avis, les motifs de son refus; s’il omet de le faire, il est réputé avoir consenti.
Mais en quoi consiste un « motif sérieux » pouvant donner le droit au locateur de refuser la cession de bail ?
Voici des cas de motifs sérieux pouvant permettre au locateur de refuser la cession de bail, motifs relatés dans l’affaire récente Boukas c. Kovacs[1]:
- S’il y a absence de solvabilité du cessionnaire, « ce problème doit être réel, et non pas seulement appréhendé »[2];
- « Si la conduite passée d’un locataire ne donne pas de garanties suffisantes que le bail sera respecté »[3].
Dans l’affaire précitée Boukas c. Kovacs, la locataire avait donné un avis au locateur de la cession de son bail avec le nom et l’adresse de la personne à qui elle cédait son bail. À cet avis était joint le contrat de cession de bail.
Cependant, le locateur a découvert que la cessionnaire avait eu plusieurs dossiers à la Régie du logement et qu’en plus ce n’était pas la cessionnaire qui allait résider dans le logement, mais sa mère, qui, après vérification, avait des problèmes de solvabilité.
De plus, la cessionnaire avait par la suite décidé de ne pas prendre le logement.
Voici les conclusions de l’affaire, où la responsabilité du locataire qui a tenté de céder son bail a été retenue pour plus de 10 000,00$ :
- [38] Dans la présente affaire, la preuve non contredite démontre qu’il y avait un problème de solvabilité et des éléments donnant à penser que le bail ne serait pas respecté. Et à ce chapitre, la locataire n’a même pas tenté de vérifier l’information et a adopté une attitude de fuite en indiquant aux locateurs de s’organiser avec la cessionnaire.
- [39] Elle a donc engagé sa responsabilité et causé un dommage important aux locateurs, lesquels, malgré leurs efforts, n’ont pu relouer le logement avant l’année suivante. Elle est donc tenue à la perte de loyer, les frais d‘annonce, d’énergie et de taxe d’eau. Ils ont aussi droit aux frais d’enquête de crédit pour la cessionnaire.
3. Conclusion
Il est important, autant pour le locateur que pour le locataire, de bien connaitre les formalités pour la cession d’un bail résidentiel :
- Donner avis au locateur de la cession en indiquant le nom et l’adresse de la personne à qui le locataire compte céder son bail et la date de cession prévue;
- Le locateur peut refuser la cession dans un délai de 15 jours suivant la réception de l’avis de cession, et le bail prend fin à la date de cession prévue à l'avis de cession. À défaut de refuser dans ce délai, le locateur est réputé avoir consenti à la cession de bail.
Le locataire qui désire céder son bail doit suivre certaines formalités et le locateur qui refuse la cession doit le faire dans le délai accordé.
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* ATTENTION : Les informations de cet article sont d’ordre général et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Les faits peuvent varier d’une situation à l’autre et potentiellement changer toute réponse d’ordre juridique. Une consultation avec un avocat concernant votre cas particulier est vivement recommandée.
[1] 2018 QCRDL 36389.
[2] Préc., note 1, par. 36.
[3] Id., par. 37.
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