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Vente d’un immeuble « aux risques et périls de l’acheteur » : conséquences

Vente d’un immeuble « aux risques et périls de l’acheteur » : conséquences

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Il arrive parfois qu’une propriété immobilière soit vendue sans garantie légale, « aux risques et périls de l’acheteur ». Or, il est important, autant pour les vendeurs que pour les acheteurs, de saisir la portée de l’exclusion de la garantie légale.

Auteur: Manuel St-Aubin, avocat

Dernière mise à jour: 2022-10

1. Bref rappel sur la garantie légale

Règle générale, le vendeur est tenu de garantir le droit de propriété et la qualité du bien qu'il vend[1].

Beaucoup de propriétés immobilières sont vendues avec la garantie légale. Cette garantie protège notamment l’acheteur des vices cachés qui pourraient affecter l’immeuble et lui garantit également le droit de propriété sur l’immeuble acheté.

Quant au vice caché affectant un immeuble, quatre conditions générales doivent être rencontrées[2] :

  1. Le vice doit être grave;
  2. Le vice doit être caché;
  3. Le vice doit avoir existé avant la vente de l’immeuble;
  4. Le vice doit être inconnu de l’acheteur au moment de la vente de l’immeuble.

S’il y a découverte de vices cachés affectant l’immeuble de l’acheteur, celui-ci pourra notamment demander au vendeur la résolution du contrat de vente ou la diminution du prix de vente de l’immeuble.

Par contre, la garantie légale de qualité et de propriété peut être exclue complètement ou diminuée dans le contrat de vente, ce qui pourrait affecter les droits de l'acheteur notamment en cas de vices cachés.

2. L’exclusion complète de la garantie légale: conséquences

Il arrive parfois dans certains types de transactions immobilières qu’un immeuble soit vendu sans garantie légale par un vendeur non professionnel[3], « aux risques et périls de l’acheteur ». En principe, ce type de clause exclurait autant la garantie légale de qualité que la garantie légale de propriété[4].

Par contre, une telle exclusion de garantie ne donne pas au vendeur carte blanche pour passer outre toute règle de droit.

En effet, un vendeur ne pourrait pas se dégager de sa responsabilité pour le préjudice matériel causé à l’acheteur du fait de sa faute lourde ou intentionnelle[5], ni se soustraire des conséquences de ses mensonges ou manœuvres frauduleuses envers l’acheteur.

Suite à la découverte par les acheteurs de graves problèmes affectant la propriété vendue et bien qu’il ne serait pas possible d’avoir un recours contre le vendeur sur la base de la garantie légale, il n'est pas impossible qu'un recours pour vice de consentement pour cause de « dol » du vendeur soit le remède approprié. Dans ce cas il faudrait notamment démontrer que le vendeur a agi de mauvaise foi envers l’acheteur et qu'il avait l’intention de le tromper au moment de la vente.

Le « dol » du vendeur peut être dans les faits une réticence, un silence, un mensonge, ou d’avoir placé délibérément l’acheteur dans un faux sentiment de sécurité[6].

Il est pertinent de reprendre les mots de la Cour d’appel du Québec dans l'affaire Théberge c. Durette[7] :

  • « […] l’acheteur […] pourrait, si le vendeur non professionnel lui a délibérément caché l’existence d’un vice important, invoquer l’erreur, erreur provoquée par le dol de l’autre partie […] et obtenir l’annulation de la clause (ou celle de la vente) pour ce motif. […] »

3. Exemples jurisprudentiels

Exemple 1

Bien qu’étant une cause des petites créances, la décision Abdelahad c. Choquette[8] illustre bien une situation où le vendeur a été tenu responsable malgré l’exclusion de la garantie légale.

Dans cette situation, le vendeur avait indiqué à l’acheteur de l’immeuble qu’il existait bel et bien un puisard (fosse septique) de par ses diverses déclarations avant la vente. Or, l’acheteur a découvert après l’achat (ou plutôt n’a pas découvert) qu’il n’existait aucune installation sanitaire.

Dans cette situation, le tribunal a fait annuler la clause d’exclusion de garantie légale et a déterminé que la propriété était affectée d’un vice caché découlant de l’inexistence totale d’installation sanitaire malgré ce que le vendeur avait laissé croire à l’acheteur.

Exemple 2

La Cour d'appel du Québec, dans l'affaire Blais c. Laforce, 2022 QCCA 858, rappelle qu'un acheteur qui achète avec l'exclusion de la garantie ne pourra par la suite se retourner contre des précédents propriétaires, même si ces précédents propriétaires ont vendu avec la garantie légale:

  • [8] En somme, le vendeur profane d’un bien immeuble poursuivi pour vices cachés qui a acheté « à ses risques et périls » ne pourra espérer obtenir le secours des auteurs profanes de son vendeur même si ces derniers ont vendu l’immeuble avec les garanties légales.
  • [9] L’exclusion de la garantie au moyen d’une clause expresse de type – vente sans aucune garantie légale aux risques et périls – constitue un avertissement sérieux fait à l’acheteur que le bien est vendu sans aucune garantie en dépit des vices qui peuvent l’affecter. Cette clause permet d’imputer à l’acheteur une connaissance présumée de l’existence des vices qui elle-même constitue une cause d’interruption de la garantie au bénéfice des vendeurs profanes antérieurs.

4. Conclusion

L’exclusion de la garantie légale réduit les possibilités de recours de l’acheteur en cas de vices cachés, mais ne fait pas en sorte que ce dernier n’a plus aucun recours contre le vendeur. Le vendeur doit, malgré ce type de clause, agir en conformité avec les exigences de la loi et ne pas tenter de tromper l’acheteur.

* ATTENTION : Les informations de cet article sont d’ordre général et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique. Les faits peuvent varier d’une situation à l’autre et potentiellement changer toute réponse d’ordre juridique. Une consultation avec un avocat concernant votre cas particulier est vivement recommandée.

[1] Art. 1716 C.c.Q.

[2] Langevinc. Succession de Trudelle, 2017 QCCQ 5530, par. 42.

[3] Une telle exclusion de garantie n’est valable seulement si le vendeur de l’immeuble n’est pas un vendeur professionnel selon l’art. 1733 C.c.Q. Pour plus d’information, voir à ce sujet https://www.educaloi.qc.ca/capsules/le-vice-cache-dans-un-immeuble

[4]Placements Richard Beaudoin inc. c. Bernier 2011 QCCS 2556, Par. 60 et ss. Motifs non contredits en appel : Bernier c. Placements Richard Beaudoin inc. 2013 QCCA 759; Voir aussi Lebeau c. Marcotte , 2016 QCCQ 12159 (division des petites créances), par. 4.

[5] Art. 1474, C.c.Q.

[6] De Niverville (Magasin général Lawrenceville)c. Blanchard, 2016 QCCS 4698.

[7] Théberge c. Durette, 2007 QCCA 42, par. 83: http://canlii.ca/t/1q9wj

[8] 2017 QCCQ 8727: http://canlii.ca/t/h59rw

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Auteur de cet article
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

St-Aubin avocats inc. est un cabinet spécialisé en litige civil et commercial, en immobilier et construction. Fort d’une équipe d’expérience en litige, St-Aubin avocats inc. cherche à donner l’heure juste à ses clients, tout en les menant vers les solutions les plus adaptées pour résoudre les problèmes rencontrés. L’approche pragmatique et efficace du cabinet nous permet de trouver des solutions alliant le droit aux affaires. Notre cabinet intervient principalement dans des litiges immobiliers, de construction et des litiges commerciaux (conflits entre actionnaires et conflits commerciaux).