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Le contrat n’est pas clair ? Retour sur les règles d’interprétation des contrats

Le contrat n’est pas clair ? Retour sur les règles d’interprétation des contrats

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Il arrive qu’en cas de mésentente chaque partie retourne voir ce que dit le contrat qui a été convenu et en arrive à des interprétations différentes. Malheureusement, plusieurs clauses d’un contrat peuvent porter à interprétation et parfois un juge doit trancher sur la façon d’interpréter le tout. Or, un contrat ne peut pas être interprété n’importe comment, des règles précises s’appliquent.

Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats

Date de rédaction : 2024-08

Date de mise à jour : n/a

1. Qu’est-ce qu’un contrat ?

Avant de discuter d’interprétation contractuelle, il importe d’abord de comprendre ce qu’est un contrat au sens du Code civil du Québec.

L’article 1378 du Code civil du Québec (C.c.Q.) définit le contrat ainsi : « Le contrat est un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation ».

Un contrat peut être autant verbal qu’écrit. L’important est qu’il existe un « accord de volonté » d’une personne à exécuter une prestation pour une autre.

En effet, le Code civil indique que « le contrat se forme par le seul échange de consentement » (art. 1385 al.1 C.c.Q.), et cet échange de consentement « se réalise par la manifestation, expresse ou tacite, de la volonté d’une personne d’accepter l’offre de contracter que lui fait une autre personne » (art. 1386 C.c.Q.).

Cependant, l’écrit permet une meilleure clarté, surtout lorsqu’il y a certains éléments de complexité.

Malgré tout, il arrive qu’un contrat doive être interprété par un juge en cas de divergence d’opinion sur l’interprétation à donner au contrat ou à certaines de ses clauses.

2. Les règles d’interprétation des contrats

Le Code civil du Québec résume les principales règles d’interprétation des contrats dans les articles 1425 à 1432 ci-contre :

  • 1425. Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés.
  • 1426. On tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages.
  • 1427. Les clauses s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble du contrat.
  • 1428. Une clause s’entend dans le sens qui lui confère quelque effet plutôt que dans celui qui n’en produit aucun.
  • 1429. Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat.
  • 1430. La clause destinée à écarter tout doute sur l’application du contrat à un cas particulier ne restreint pas la portée du contrat par ailleurs conçu en termes généraux.
  • 1431. Les clauses d’un contrat, même si elles sont énoncées en termes généraux, comprennent seulement ce sur quoi il paraît que les parties se sont proposé de contracter.
  • 1432. Dans le doute, le contrat s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation et contre celui qui l’a stipulée. Dans tous les cas, il s’interprète en faveur de l’adhérent ou du consommateur.

Mais la question se pose : quand faut-il interpréter un contrat ?

La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire Gestion Marigec inc. c. Immeubles Rimanesa inc., 2024 QCCA 1055, rappelle la façon dont un contrat doit être interprété. Reprenant les critères de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Uniprix inc. c. Gestion Gosselin et Bérubé inc., 2017 CSC 43, la Cour d’appel rappelle qu’un juge qui s’apprête à interpréter un contrat doit suivre un processus d’interprétation en deux étapes :

  1. De déterminer si les termes d’un contrat son clairs ou ambigus : si les termes sont clairs, il n’y a pas lieu d’interpréter le contrat à moins que ces termes ne viennent contredire la véritable intention des parties, notamment en considérant le contexte entourant la conclusion et l’exécution du contrat (par. 26). Si les termes sont clairs, le juge les applique sur les faits qui sont en cause ;
  2. S’il existe une ambiguïté face au contrat, le processus d’interprétation doit être entamé par le juge.

3. Quand et comment procéder à l’interprétation d’un contrat ?

Le processus d’interprétation d’un contrat ambigu est notamment détaillé par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Uniprix inc. c. Gestion Gosselin et Bérubé inc., 2017 CSC 43 :

  • « Le principe cardinal qui guide […] l’exercice d’interprétation consiste à « rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés » (art. 1425 C.c.Q.) » (par. 37). Pour trouver cette intention, les éléments suivants doivent notamment être pris en compte :
  • « Il faut tenir compte des éléments intrinsèques du contrat, tels que les termes de la disposition en cause et les autres clauses du contrat, afin de donner un effet utile à chacune d’entre elles et de les interpréter les unes par les autres » (par. 37) ;
  • Il faut analyser la nature du contrat, le contexte, ce « qui inclut notamment les circonstances factuelles entourant sa conclusion, l’interprétation que les parties lui ont donnée et les usages » (par. 37) ;
  • La Cour d’appel, dans l’affaire Gestion Marigec inc. c. Immeubles Rimanesa inc., 2024 QCCA 1055 rappelle aussi que « lorsque des mots sont susceptibles de deux interprétations, la plus raisonnable, celle qui assure un résultat équitable, doit certainement être choisie comme l’interprétation qui traduit l’intention des parties » (par. 27).

Les articles 1425 à 1432 du Code civil trouveront également application dans le processus d’interprétation d’un contrat.

À noter que la Cour suprême dans l’affaire Uniprix précitée précise que les notions de qualification et d’interprétation du contrat se distinguent :

  • [38] […] « D’une part, la qualification sert à déterminer « quel objet les parties ont voulu donner à l’ensemble de leur entente » et son « objet essentiel [. . .] est le rattachement du contrat considéré à une catégorie normative » (ibid., nos 1727 et 1729). Pour ce faire, le juge doit « déterminer, tantôt le but qui a présidé à la convention, tantôt ― en fait, le plus souvent ― la prestation essentielle au cœur de l’entente » (ibid., no 1733 (note en bas de page omise)). D’autre part, l’interprétation vise plutôt à découvrir « quel sens les parties ont vraisemblablement voulu donner à telle partie du texte de la convention » (ibid., no 1727) ».
  • [39] Autrement dit, on qualifie un contrat selon sa nature, en le rattachant à une catégorie de contrats nommés (art. 1708 à 2643 C.c.Q.) ou à une espèce particulière de contrats (art. 1378 à 1384 C.c.Q.), mais on ne « qualifie » pas la durée du contrat, qui relève plutôt de l’interprétation de son libellé. Le terme extinctif qui s’attache à l’ensemble des obligations d’un contrat a bien sûr pour effet de mettre fin au contrat dans son ensemble (Lluelles et Moore, no 2507; Baudouin et Jobin, no 559; Tancelin, no 443). Ce n’est toutefois pas parce que ce terme a un effet d’ensemble sur le contrat que son interprétation vise à déterminer la prestation essentielle ou le but de l’entente. […]

4. Conclusion

Lorsqu’un différend survient quant à l’interprétation à donner à un contrat, le juge doit suivre une démarche imposée par la jurisprudence et se demander premièrement si le contrat est clair ou ambigu. L’interprétation du contrat doit seulement être entamé lorsque qu’il y a ambiguïté. Parfois, même en présence de termes clairs d’un point de vue littéral, il arrive que ces termes ne reflètent pas l’intention réelle des parties. Le cas échéant, il sera pertinent d’interpréter le contrat.

Cependant, dès lors qu’il y a interprétation du contrat, cela ne signifie pas pour autant que le tribunal peut en modifier les termes.

Il est important de se rappeler qu’un contrat est un mode de communication entre les personnes qui le signent. Pour ce faire, il importe qu’il soit clair dans sa rédaction afin d’éviter des conflits.

L’avocat chargé de rédiger un contrat devrait toujours garder en tête la compréhension que les parties auront de leur contrat, et ajuster son écriture en conséquence.  

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter un avocat.

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Auteur de cet article
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

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