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Chèque ou virement avec mention « paiement final » : effets juridiques

Chèque ou virement avec mention « paiement final » : effets juridiques

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Il arrive qu’en cas de litige ou non, un paiement par chèque ou un virement puisse comporter la mention « paiement final ». Or, quel est l’effet juridique d’encaisser un tel paiement ?

Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats

Date de rédaction : 2024-12

Date de mise à jour : n/a

1. L’encaissement sans réserve : le principe de la transaction

La Cour du Québec, dans l’affaire Ville de Mont-Tremblant c. 9365-1057 Québec inc., 2024 QCCQ 4102, invoque qu’en principe, « lorsqu’un chèque portant les mots « en paiement final » est remis au créancier et que celui-ci encaisse le chèque sans avis ni protestation préalable, il y a alors une transaction au sens de l’article 2631 C.c.Q., de sorte que sa réclamation subséquente est irrecevable » (par. 74).

La transaction est définie à l’article 2631 du Code civil du Québec (C.c.Q.) :

  • 2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l’exécution d’un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.
  • […]

L’effet d’une transaction dans ce type de circonstance fait en sorte que celui qui reçoit le paiement final ne peut plus réclamer quoi que ce soit au débiteur (2633 al. 1 C.c.Q.).

Ainsi, comme l'indique la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Auberge La Pinsonnière inc. c. Mingus Software Inc., 2006 QCCA 1206, un chèque avec mention « paiement final » peut être interprété comme une offre de règlement :

  • [7] Lorsque la mention « paiement final » est inscrite sur un chèque, le créancier qui le reçoit ne peut pas simplement l'encaisser et continuer sa réclamation. S'il l'encaisse, il acquiesce à l'offre qui lui est faite par le débiteur de mettre fin au litige. S'il veut transformer cette offre en contre-offre, c'est-à-dire offrir au débiteur d'encaisser le chèque comme paiement partiel tout en conservant sa réclamation pour le solde, il doit en informer celui-ci bien sûr, et de plus il doit lui donner le temps de réagir à cette contre-offre. […].

Un tel encaissement peut être traité comme une présomption de fait à l’effet que celui qui a reçu le paiement avec une telle mention a accepté un règlement, mais une telle présomption peut être repoussée « en faisant la preuve des circonstances entourant son encaissement »[1].  

2. Exception au principe de la transaction

La Cour du Québec, dans l’affaire Ville de Mont-Tremblant c. 9365-1057 Québec inc., 2024 QCCQ 4102, nuance le principe à l’effet qu’encaisser un chèque avec la mention « paiement final » équivaut à transaction :

  • [75] […] la question de savoir si la mention « paiement final » est libératoire constitue une question de fait et non de droit. La jurisprudence refuse de poser une règle générale et s’attarde à l’examen des circonstances afin de déterminer si, de fait, il y a rencontre des volontés et donc un échange de consentements sur transaction.

Les circonstances dans lesquelles un chèque a été encaissé doivent donc être évaluées, tel que la Cour d’appel du Québec l’indique dans l’affaire Fattal c. Société en commandite Gaz Métro, 2010 QCCA 83 :

  • [5] Que la remise d’une dette soit expresse ou tacite (art. 1687 C.c.Q.), le fardeau de la prouver incombe en principe au débiteur qui invoque l'extinction de l'obligation (art. 2803 al. 2 C.c.Q.). La preuve par présomption de fait est évidemment acceptée, lorsqu’une partie, comme ici, invoque la remise tacite, mais l'intention du créancier de décharger le débiteur doit toujours être claire.  En cette matière, la jurisprudence refuse de poser une règle générale et s'attarde à l'examen des circonstances de l’espèce qui révéleront l'acceptation par le créancier de la proposition de son débiteur ou son refus.

3. Qu’en est-il des paiements électroniques ?

La question s’est posée à l’effet si accepter l’encaissement d’un paiement via « interac » avec mention « paiement final » équivalait à transaction.

La Cour du Québec, dans l’affaire Villeneuve c. Gagné, 2024 QCCQ 855, résume bien les principes applicables :

  • [20] Toutefois, il faut analyser les conséquences pour les demanderesses d’avoir encaissé un virement Interac avec la mention « paiement final ».
  • [21] La jurisprudence énonce que la question à savoir si l’encaissement d’un effet de commerce avec la mention « paiement final » est libératoire et une question de fait. Les auteurs Baudouin et Jobin[1] résument ainsi la jurisprudence :
    • [La jurisprudence] refuse de poser une règle générale et s'attache avant tout à l'examen des circonstances qui, parfois, peuvent être révélatrices du consentement ou de l'acceptation par le créancier de la proposition du débiteur, et dans d'autres situations laisser subsister la volonté contraire.
  • [22] Le Tribunal doit donc déterminer s'il y a eu rencontre des volontés, c’est-à-dire un échange de consentements, sur une transaction, suivant l'ensemble des faits.
  • [23] L’encaissement d’un effet de commerce qui comporte une mention libératoire, telle que « paiement final », crée une présomption de l’acceptation de cette condition. Il s’agit alors d’une présomption de fait qui peut être repoussée par la preuve de circonstances particulières.  Dans son ouvrage Les obligations, le professeur Karim écrit :
    • 1157. Ainsi, l’encaissement d’un chèque avec la mention « paiement final » ne constitue pas à lui seul une présomption de renonciation par le créancier à un droit qu’il prétend avoir. Il appartient au débiteur qui allègue que le chèque constitue un paiement final de prouver l’entente préalable justifiant la mention à l’endos du chèque ou une proposition de règlement qu’il a formulée et qui a été suivie par l’émission de ce chèque ou encore les faits permettant de conclure à l’acceptation tacite du créancier du paiement comme étant libératoire. Au surplus, il devra démontrer que le créancier a accepté le règlement en pleine connaissance de cause. Il en est ainsi lorsqu’un créancier encaisse un chèque portant la mention « paiement final », sans protester ou manifester son opposition, alors qu’il était clairement au courant que son débiteur n’avait pas l’intention de débourser davantage. Par sa conduite, le créancier pourra difficilement repousser la présomption d’acceptation qui pèse contre lui, ce qui donne à l’encaissement du chèque un effet libératoire à l’égard du débiteur.

4. Conclusions et mise en garde

Ainsi, afin d’éviter que l’encaissement d’un chèque ou d’un virement avec une mention « paiement final » ou avec une autre mention équivalente soit considéré comme une transaction, il importe d’aviser celui qui offre le paiement de sa contestation. À défaut, l’encaissement du chèque ou du virement pourrait être interprété comme mettant fin à la dette et le créancier ne pourrait plus poursuivre pour une somme supplémentaire[2].

La Cour du Québec, dans l’affaire Fondations Isofoam c. Petit, 2018 QCCQ 8881, indique à titre d’exemple que si un créancier « décide de refuser un paiement avec effet libératoire, [il] a l’obligation d’aviser le [débiteur] de sa prise de position et de lui consentir un délai suffisamment long pour émettre un contrordre de ce paiement » (par. 17).

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter un avocat.


[1] Fattal c. Société en commandite Gaz Métro, 2010 QCCA 83, par. 8 et 9.

[2] Voir Standard Life Assurance Co. c. Phytoderm Inc., 2001 CanLII 11785 (QC CA).

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Auteur de cet article
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

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