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Copropriété : lorsque la gestion du syndicat se transforme en harcèlement d’un copropriétaire

Copropriété : lorsque la gestion du syndicat se transforme en harcèlement d’un copropriétaire

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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La copropriété peut souvent s’avérer un exercice relationnel difficile. Il appartient au syndicat de copropriété d’assurer le respect des règlements de l’immeuble et la gestion de la copropriété. Or, qu’arrive-t-il lorsque la relation entre un copropriétaire et son syndicat devient conflictuelle? Qu’est-ce qui constitue du harcèlement d’un représentant du syndicat envers un copropriétaire ?

Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats.

Date de rédaction : 2023-12

1.  Qu’est-ce que le harcèlement en droit civil?

Le harcèlement peut juridiquement être défini de la façon suivante, tel que l’écrit la Cour du Québec dans l’affaire Syndicat du 90 Pierre-Laporte inc. c. Soares, 2023 QCCQ 1945

« Comportement volontaire et généralement répété et continu d’une personne se manifestant entre autres par des paroles, des actes ou des gestes à caractère vexatoire ou méprisant à l’égard d’une autre personne, dirigés contre cette personne, ses proches ou ses biens » (par. 62).

Pour qu’il y ait harcèlement, les comportements reprochés doivent donc être:

  • Volontaires;
  • Répétés;
  • Continus;
  • Des gestes ou des paroles à caractère vexatoire ou méprisant;
  • Dirigés contre une personne, ses proches ou ses biens.

2.  Le syndicat, par les gestes de ses représentant, peut-il être responsable de harcèlement envers un copropriétaire? 

L’affaire Syndicat du 90 Pierre-Laporte inc. c. Soares, 2023 QCCQ 1945 est une illustration de ce qui peut constituer du harcèlement d’un syndicat à l’encontre d’un copropriétaire.

Dans cette affaire, le syndicat de copropriété reprochait à un copropriétaire d’avoir violé à maintes reprises le règlement de l’immeuble et lui réclamait plus de 2 000$.

De son côté, le copropriétaire poursuivi a contesté la demande du syndicat et lui réclamait à son tour la somme de 5 000$, alléguant que la présidente du syndicat avait fait preuve de harcèlement à son endroit.

Les actes reprochés faisaient en sorte qu’il était question de harcèlement selon la Cour du Québec. En effet, le syndicat et la présidente de celui-ci posaient des gestes de harcèlement, notamment :  

  • Surveiller les allées et venues et espionner (par. 12);
  • Prendre des photos inappropriées du copropriétaire, à son insu, de ses invités ou de sa propriété (par. 64 et 67);
  • Pénétrer à l’intérieur de la fraction du copropriétaire sans consentement préalable et sans justification (par. 64);
  • Avoir une attitude envahissante, désagréable et contrôlante envers le copropriétaire (par. 63);
  • Contrôler et vérifier l’état des lieux lorsque des invités du copropriétaire sont présents;
  • Formuler à l’encontre du copropriétaire des accusations non fondées et des plaintes exagérées (par. 66);
  • Imposer au copropriétaire des sanctions injustifiées et non prévues au règlement de l’immeuble (par 16).

De plus tous ces agissements étaient dirigés contre une seule personne en particulier, le copropriétaire en question (par. 65).

Dans son raisonnement, le Tribunal indique que les administrateurs d'un syndicat de copropriété possèdent un double rôle: 1) ils sont gestionnaires des biens d'autrui, chargés de la simple administration et 2) sont les mandataires du syndicat de copropriété (par. 57).

Ce double rôle de l’administrateur fait donc intervenir les dispositions correspondantes au Code civil du Québec[1] :

  • Les dispositions relatives à l’administrateur du bien d’autrui (art. 1308 et suivants C.c.Q.).
  • Les dispositions relatives au mandat (art. 2136 et suivants C.c.Q.).

De plus, le Code civil du Québec impose également aux administrateurs un devoir de prudence, de diligence et d’honnêteté.

Ainsi, toujours dans l’affaire Syndicat du 90 Pierre-Laporte inc. c. Soares, 2023 QCCQ 1945, les actes de harcèlement des membres du syndicat de copropriété envers le copropriétaire ont engagé la responsabilité du syndicat, vu que ces actes ont été commis dans le cadre de leur mandat.

Il est à noter que dans cette affaire, le Tribunal a déterminé les dommages accordés en considérant les troubles importants d’anxiété développés par le copropriétaire (preuve médicale à l’appui), sa perte de poids significative ainsi que la dégradation de sa qualité de vie (par.68).

3.  Conclusion

Tel que détaillé ci-dessus en lien avec la décision étudiée, les devoirs des administrateurs d’un syndicat de copropriété ne sauraient en aucun cas justifier la violation de droits fondamentaux reliés au droit de propriété ou au droit à la vie privée d’un individu, en particulier d’un copropriétaire.

Effectivement, même si les administrateurs d’un syndicat de copropriété ont pour mandat de veiller au respect des règlements de l’immeuble, la décision étudiée ci-dessus nous démontre qu’il est primordial que ceux-ci agissent dans les limites des pouvoirs octroyés par leur mandat et en faisant preuve de modération et de pragmatisme.

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter un avocat.


[1] Nous tenons à souligner qu’il serait tout autant possible de soulever les articles 321 et ss. du C.c.Q. étant donné que ceux-ci font directement référence aux obligations des administrateurs d’une personne morale (art. 1039 C.c.Q.). En revanche, même en se référant aux règles du mandat, la juge arrive aux mêmes conclusions dans l’affaire présentement étudiée.


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Auteur de cet article
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

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