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L’aveu en droit civil : définition juridique

L’aveu en droit civil : définition juridique

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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L’aveu est un mot bien connu, mais un concept parfois mal compris en droit. Voici donc une revue de la notion de l’aveu en droit civil.  

Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats

Date de rédaction : 2024-11

Date de mise à jour : n/a

1. Qu’est-ce qu’un aveu en droit civil ?

Tel que le Code civil du Québec (C.c.Q.) l’indique, « l’aveu est la reconnaissance d’un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur » (art. 2850 C.c.Q.).

L’aveu consiste donc en ces éléments :

  • Il doit émaner d’une personne ;
  • Il doit être la reconnaissance d’un fait ;
  • Il doit produire des conséquences juridiques contre celui de qui émane l’aveu.

L’aveu « peut être exprès ou implicite » (art. 2851 C.c.Q.), écrit ou verbal, extrajudiciaire ou judiciaire.

L’aveu exprès n’a pas besoin de beaucoup d’explication. Quant à l’aveu « implicite », la façon dont les tribunaux l’ont interprété mérite de s’y pencher.

2. L’aveu implicite

Le Code civil du Québec indique ce qui suit à l’article 2851 :

  • 2851. L’aveu peut être exprès ou implicite.
  • Il ne peut toutefois résulter du seul silence que dans les cas prévus par la loi.

Un aveu peut donc être implicite, et parfois résulter du silence uniquement lorsque la loi le prévoit.

La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire Hamel c. J.C., 2008 QCCA 1889, aborde la notion d'aveu implicite. Il était question d’un médecin poursuivi en déontologie devant le Comité de discipline qui n’avait pas fait de défense dans son dossier, mais des représentations quant à la peine à rendre. Le juge du procès à la Cour supérieure a donc conclu à la présence d’un aveu implicite de la part du défendeur en lien avec sa conduite devant le Comité de discipline (par. 39), et confirme qu’une déclaration de culpabilité devant une instance disciplinaire est un fait juridique.

La Cour explique au passage la notion d’aveu « implicite » :

  • [45] L'alinéa 2 de l'article 2851 C.c.Q. traite de l'aveu implicite et prévoit qu'il ne peut résulter du seul silence que dans les cas prévus par la loi. Le professeur Léo Ducharme mentionne toutefois que lorsqu'une partie se tait alors qu'elle devrait protester, ce silence peut alors être interprété comme un aveu implicite. Cependant, les aveux implicites de responsabilité ne sont pas admis facilement :
    • 689. Il résulte du deuxième alinéa de l'article 2851 C.c.Q., que le seul silence d'une partie ne peut équivaloir à un aveu. Toutefois, lorsqu'une partie se tait, alors que les circonstances commanderaient qu'elle proteste, son silence peut alors être interprété comme un aveu implicite. […]
    • 690. Quant aux aveux implicites de responsabilité, la jurisprudence ne les admet pas facilement. Avant de les dégager, les tribunaux exigent que les faits et gestes sur lesquels on prétend les fonder soient non ambigus et non susceptibles d'une autre interprétation. [4] […]
  • […]
  • [46] Le professeur Royer, pour sa part, est également d'avis que l'omission d'agir, dans certaines circonstances, peut parfois constituer un aveu implicite :
    • [867]  […]
    • Une conduite peut consister dans un acte ou une omission. Aussi, à notre avis, l'omission d'agir pendant un certain temps ou dans certaines circonstances constitue parfois un consentement, une ratification ou un aveu implicite. Dans ce cas, l'aveu ne résulte pas du seul silence, mais d'une omission accompagnée de certaines circonstances. D'ailleurs, le législateur a exprimé sa volonté de ne pas modifier le droit antérieur. Dans son commentaire en regard de l'article 2851 C.c.Q., le ministre de la Justice déclare :
    • Les deux règles énoncées par cet article constituent une codification du droit antérieur. Il est admis qu'un aveu puisse être implicite et découler de la conduite d'une personne si l'intention d'avouer ne comporte aucune équivoque, mais il est aussi admis que le silence d'une personne ne constitue pas un aveu.

Ainsi, un aveu pourrait être implicite dans les cas suivants :

  • Si les circonstances commandent à une partie de protester et que cette dernière ne dit rien, cela pourrait être considéré comme un aveu implicite;
  • L’omission d’agir à l’égard d’un événement peut aussi être considéré comme un aveu dans certaines circonstances.

Cependant, il ressort de l’analyse que l’aveu implicite doit découler de faits et gestes qui ne laissent pas place à autre interprétation. Comme l’écrit la Cour d’appel dans Vaillancourt c. Bishop, 2016 QCCA 316, « un aveu doit être clair, sans ambiguïté et non équivoque » (par. 16).

3. Une excuse constitue-t-elle un aveu ?

Le Code civil du Québec clarifie cette question à l’article 2853.1 : « une excuse ne peut constituer un aveu » et ne peut être admise en preuve, en définissant qu’une excuse consiste en « toute manifestation expresse ou implicite de sympathie ou de regret ».

4. L’aveu extrajudiciaire ou judiciaire

Si un aveu est fait par une partie au litige ou son mandataire (par exemple son avocat) dans le cadre de l’instance en cours (le dossier de Cour), il s’agit d’un aveu judiciaire qui fait preuve contre la partie de qui il émane (art. 2852 al. 1 C.c.Q.).

Si l’aveu n’est pas fait dans le cadre de l’instance du litige, il s’agit d’un aveu extrajudiciaire[1], et alors sa force probante en preuve est laissée à l’appréciation du tribunal (art. 2852 al. 2 C.c.Q.).  

Concernant l’aveu judiciaire, la Cour supérieure du Québec, dans l’affaire ABYG inc. c. 9260-8769 Québec inc. (Transport NCO), 2023 QCCS 1637[2] indique ce qui suit :

  • [41] L’aveu judiciaire peut être fait soit par écrit, dans une procédure judiciaire, ou oralement lors d’une audience[14]. Est opposable à la partie l’aveu fait par son avocat puisque ce dernier possède un mandat général de représentation[15].
  • [42] Par définition, l’aveu est préjudiciable à la partie, et ce, puisqu’il porte sur un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur[16]. Il allège le fardeau de la partie adverse en ce qu’il n’est alors pas nécessaire de prouver le fait matériel ou l’acte juridique admis.
  • [43] Étant donné la force probante associée à l’aveu judiciaire, il est impossible d’offrir une preuve contraire tant qu’il n’est pas révoqué[17] et une telle révocation ne peut intervenir que sur la preuve que l’aveu a lieu à la suite d’une erreur de fait[18].
  • [44] Trois conditions doivent être satisfaites pour qu’une erreur de fait permette la révocation de l’aveu judiciaire : (a) l’aveu ne doit pas avoir été autorisé; (b) il ne doit pas avoir été ratifié; et (c) il doit causer préjudice à la partie qui en demande la révocation[19].
  • [45] En l’espèce, Transport NCO n’a jamais requis la révocation de l’aveu contenu à l’exposé sommaire de ses moyens de contestation. Même en considérant que la déclaration sous serment du 3 janvier 2023 peut tenir lieu de demande en révocation d’aveu, elle ne contient aucune allégation susceptible d’expliquer, et encore moins justifier, en quoi les allégations des paragraphes 5 et 15 résultent d’une erreur de fait.
  • [46] En conséquence, Transport NCO a dûment reconnu l’existence et la signature de l’entente du 6 novembre 2014, communiquée et produite comme pièce P-3. Ce faisant, Transport NCO a reconnu un fait de nature à produire des conséquences juridiques à son égard[20].
  • [47] La déclaration sous serment du 3 janvier 2023 est une tentative maladroite de Transport NCO d’éviter les conséquences juridiques prévues à l’entente du 6 novembre 2014 et plus particulièrement l’engagement souscrit quant au remboursement du montant de 250 000 $ qui y est prévu.

5. Conclusion

Évidemment, la notion d’aveu en droit de la preuve civile peut faire l’objet d’un développement plus étoffé, mais les grandes lignes à retenir sont les suivantes :

  • Définition : L’aveu est la reconnaissance par une partie d’un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre elle-même ;
  • Types d’aveux : Il peut être exprès (clairement exprimé) ou implicite (déduit de la conduite d’une partie) et peut être judiciaire (fait dans le cadre de l’instance) ou extrajudiciaire (fait en dehors de l’instance) ;
  • Aveu implicite : Un aveu implicite ne peut résulter du silence que si la loi le prévoit. Par ailleurs, des actes ou une absence de protestation dans des circonstances où elle serait attendue peuvent être interprétés comme un aveu implicite, mais il ne doit pas y subsister une ambiguïté à cet égard ;
  • Excuses : Une excuse, ne constitue pas un aveu et ne peut être admise en preuve comme telle ;
  • Force probante : Un aveu judiciaire fait preuve contre la personne de qui il émane et ne peut être révoqué sans une demande à cet effet. En revanche, la force probante d’un aveu extrajudiciaire est à l’appréciation du tribunal ;
  • Finalité : L’aveu, par sa nature, allège la charge de preuve de la partie adverse, mais doit être clair et non équivoque.

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter un avocat.


[1] Voir art. 2867 C.c.Q.

[2] Raisonnement non contredit en appel, dans l’affaire 9260-8769 Québec inc. (Transport NCO) c. ABYG inc., 2024 QCCA 1422.

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Auteur de cet article
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

St-Aubin avocats inc. est un cabinet spécialisé en litige civil et commercial, en immobilier et construction. Fort d’une équipe d’expérience en litige, St-Aubin avocats inc. cherche à donner l’heure juste à ses clients, tout en les menant vers les solutions les plus adaptées pour résoudre les problèmes rencontrés. L’approche pragmatique et efficace du cabinet nous permet de trouver des solutions alliant le droit aux affaires. Notre cabinet intervient principalement dans des litiges immobiliers, de construction et des litiges commerciaux (conflits entre actionnaires et conflits commerciaux).