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La contestation du testament pour cause d’incapacité
Qu’arrive-t-il si une personne doute de la validité d’un testament ou d'une modification à celui-ci (codicille) ? Comment contester un testament qui aurait été fait par une personne qui n’avait plus la capacité de le faire, notamment en cas de déclin cognitif avancé ?
Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats
Date de rédaction : 2025-02
Date de mise à jour : n/a
1. La capacité de tester
Une personne, pour faire un testament, doit avoir la capacité pour ce faire au moment de la signature du testament (art. 707 C.c.Q.).
Selon le Code civil du Québec, la pleine capacité d’une personne physique est établie à l’âge de la majorité, soit 18 ans (art. 153 C.c.Q.), et ne peut être limitée que par les causes suivantes identifiées à l’article 154 C.c.Q. :
- Une disposition expresse de la loi ;
- Un jugement prononçant l’ouverture d’une tutelle au majeur ;
- Un jugement homologuant un mandat de protection ;
- Un jugement autorisant la représentation temporaire d’un majeur inapte.
Le testament étant un acte juridique, celui qui le fait doit donc avoir la capacité de tester au sens de la loi (art. 1409 C.c.Q.). Si tel n’est pas le cas, la validité de l’acte pourrait possiblement être contesté. Cela s'applique également aux actes qui modifient un testament, les codicilles.
2. La contestation de la validité du testament faute de capacité
La jurisprudence nous enseigne bien les règles applicables en matière de contestation d’un testament pour cause d’incapacité. Dans l’affaire Francoeur c. Francoeur (Succession de Beaumier), 2024 QCCS 4455, la Cour supérieure du Québec s’est penchée sur une cause dans laquelle la demanderesse souhaitait invalider un testament pour cause d’incapacité du testateur. Ce testament était le troisième de suite en deux ans, le dernier comportant des modifications importantes en défaveur de la demanderesse, le tout dans un contexte de conflit familial (par. 2 et 3).
Toujours dans cette affaire, la Cour rappelle ceci :
- [10] Toute personne ayant la capacité requise peut prévoir par testament comment ses biens seront disposés à son décès[5]. La capacité de tester s’évalue au moment de la signature du testament et se présume[6], même en présence d’une personne âgée ayant une certaine fragilité[7].
- [11] La personne qui invoque l’incapacité de tester a le fardeau de démontrer, selon la balance des probabilités, un état habituel d’incapacité […].
Ainsi, pour arriver à démontrer un état habituel d’incapacité afin d’invoquer l’invalidité d’un testament, la Cour supérieure énonce la règle à rencontrer :
- Il faut démontrer une « incompréhension de la nature et des conséquences que le testament entraînera. Il n’est pas nécessaire de démontrer une « déraison complète mais plutôt [une] incapacité de comprendre les dispositions testamentaires » (par. 13).
Il faut donc démontrer que la personne (le testateur) était inapte au moment de faire son testament. Les éléments à considérer pour déterminer l’inaptitude d’une personne sont les suivants, selon la Cour supérieure dans l’affaire précitée :
- Les circonstances mises en preuves (par. 15) ;
- Les témoignages (par. 15) ;
- Le dossier médical du testateur (par. 15) ;
- Le comportement du testateur (par. 15) ;
- Le témoignage du notaire instrumentant, cela étant important à considérer (par. 17).
La Cour mentionne cependant qu’il ne faut pas « porter un jugement moral sur les décisions prises par le testateur » (par. 15), et que ce n’est pas parce que les capacités cognitives d’une personne sont en déclin qu’elle est inapte à tester (par. 16).
Ainsi, « s’il est établi qu’une personne était inapte peu avant ou peu après l’acte attaqué, une présomption peut être tirée qu’elle ne l’était pas non plus au moment où celui-ci fut conclu » (par. 14).
À partir de ce moment, il y a renversement du fardeau de preuve et il revient alors à ceux qui soutiennent la validité du testament « de montrer qu’il fut exécuté dans un intervalle lucide » (par. 14).
Lorsque le testament est déclaré invalide, il est qualifié de nul et il est donc possible de reconnaitre le dernier testament qui avait été fait comme le seul qui reste valide (voir notamment l'affaire Gidney (Estate of), 2015 QCCS 2574).
3. Conclusion
Le fardeau de preuve de la personne souhaitant faire invalider un testament pour cause d’incapacité est important. Les témoignages, et surtout aussi les expertises médicales sont importants pour déterminer s’il y avait incapacité au moment de signer le testament.
Comme le rappelle la Cour supérieure dans l'affaire Malouf c. Al Ajouri, 2024 QCCS 4911, « très souvent, il n’existera pas une preuve directe relativement à l’état habituel d’aliénation ou de faiblesse d’esprit au temps de la signature de l’acte contesté et la partie qui le conteste devra faire une preuve par présomption de fait suivant l’article 2849 C.c.Q. [...] » (par. 23).
Ainsi, tout reste une question de faits particuliers pour chaque dossier.
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