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La responsabilité du syndicat de copropriété face aux acheteurs d’un condo

La responsabilité du syndicat de copropriété face aux acheteurs d’un condo

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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L’information obtenue des futurs acheteurs de la part du syndicat de copropriété peut être cruciale afin de déterminer si l’acquisition à venir est convenable ou non, notamment quant aux cotisations spéciales à venir pour couvrir des travaux importants.

Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats

Date de rédaction : 2025-01

Date de mise à jour : n/a

1. Les obligations du syndicat de copropriété face aux futurs acheteurs d’un condo

Même si le syndicat de copropriété n’a pas de relation contractuelle directe avec le futur acheteur d’un condo, il peut être tenu responsable en vertu des règles de la responsabilité extracontractuelle, tel que le confirme la Cour du Québec dans l’affaire Martorana c. 9652353 Canada inc., 2024 QCCQ 4099.

La responsabilité extracontractuelle trouve sa source à l’article 1457 du Code civil du Québec :

  • 1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
  • Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.
  • Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.

Comme le rappelle la juge dans Martorana c. 9652353 Canada inc., 2024 QCCQ 4099 :

  • [22] Pour que la responsabilité civile du Syndicat soit retenue, les Acheteurs doivent, par preuve prépondérante, faire la démonstration d’une faute du Syndicat ou de son mandataire, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Les obligations du syndicat de copropriété et de ses administrateurs dans l’exercice de ses fonctions sont détaillées dans le jugement précité (par. 23). Ces obligations sont notamment les suivantes :

  • Il doit respecter les obligations que la loi, l’acte constitutif (souvent la déclaration de copropriété) et les règlements lui imposent (art. 321 C.c.Q.);
  • Il doit agir dans les limites de ses pouvoirs;
  • Il doit agir avec prudence, diligence, honnêteté et loyauté (art. 322 C.c.Q.);
  • Il ne doit pas se mettre en situation de conflit d’intérêts (art. 324 al. 1 C.c.Q.).

Si la copropriété est gérée par un gestionnaire, le tribunal précise que le syndicat de copropriété peut être responsable de toute action fautive de son gérant en vertu des règles du mandat, notamment de l’article 2160 C.c.Q. (par. 20).

Ainsi, le syndicat de copropriété, s’il ne respecte pas ses obligations, peut être responsable face à autrui, notamment face à un acheteur d’un condo.

2. Illustration jurisprudentielle : responsabilité en cas de cotisation spéciale

Dans l’affaire Martorana c. 9652353 Canada inc., 2024 QCCQ 4099 (petites créances), les acheteurs d’un condo ont poursuivi les vendeurs et le syndicat de copropriété suivant l'imposition d'une cotisation spéciale adoptée peu de temps après l'achat du condo (par. 2). Les acheteurs, malgré leur demandes d'information auprès du syndicat, n’avaient pas été informé de cette cotisation à venir.

Cette cotisation spéciale était devenue incontournable dû à un problème majeur avec l’installation du mur de soutien, nécessitant une intervention immédiate (par. 29-30).

Cette intervention était en lien avec un rapport d’expertise daté du 22 août 2019 (par. 30), alors que les acheteurs ont acheté leur condo les 28 août 2019 et 30 octobre 2019 (par. 31).

Or, dans le cadre de leur acquisition, les acheteurs avaient demandé de l’information au syndicat de copropriété, et n’ont pas eu l’information à l’effet qu’une cotisation spéciale serait demandée aux copropriétaires.

Dans cette affaire, la déclaration de copropriété prévoyait l’obligation du syndicat de « transmettre à tout promettant acheteur toute information relativement à l'immeuble, aux registres de la copropriété, aux finances du Syndicat ou à toute autre question ayant une incidence sur l'acquisition d’une fraction » (par. 32).

Retenant la responsabilité du syndicat, le tribunal indique ce qui suit :

  • [33] De l’avis du Tribunal, un muret dont on sait depuis 2017 qui risque de coûter 165 000 $ en réparation et une cotisation spéciale dont les copropriétaires ne pourront se soustraire sont des informations qui ont une incidence sur l’acquisition par les Acheteurs de leur unité respective.
  • [34] Le Syndicat avait l’obligation de fournir cette information, et ce, même si le montant de cette cotisation n’était pas encore déterminé de manière certaine.
  • [35] Le Tribunal estime qu’une faute a été commise, laquelle engage la responsabilité civile du Syndicat.

Le tribunal retient aussi la responsabilité du vendeur en ce qu’il a fait défaut de « divulguer aux Acheteurs toutes les informations détenues concernant l’imminence des travaux majeurs du muret et de la clôture et concernant la cotisation spéciale qui allait en découler » (par. 50).

Ainsi, le tribunal a condamné in solidum le vendeur des unités de condo et le syndicat de copropriété pour l’équivalent de la cotisation spéciale qui a été payée sous protêt par les acheteurs (par. 64 et suivants).

3. Conclusion

Tel que le tribunal nous l’enseigne dans l’affaire Martorana c. 9652353 Canada inc., 2024 QCCQ 4099, les obligations du syndicat de copropriété et des vendeurs d’une unité de condo exigent qu’ils doivent informer les futurs acheteurs lorsqu’une cotisation spéciale est imminente et à venir, même si elle n’a pas encore été adoptée.

En effet, l’information peut être déterminante pour un acheteur dans son analyse de l’immeuble qu’il s’apprête d’acheter.

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter un avocat.

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Auteur de cet article
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

St-Aubin avocats inc. est un cabinet spécialisé en litige civil et commercial, en immobilier et construction. Fort d’une équipe d’expérience en litige, St-Aubin avocats inc. cherche à donner l’heure juste à ses clients, tout en les menant vers les solutions les plus adaptées pour résoudre les problèmes rencontrés. L’approche pragmatique et efficace du cabinet nous permet de trouver des solutions alliant le droit aux affaires. Notre cabinet intervient principalement dans des litiges immobiliers, de construction et des litiges commerciaux (conflits entre actionnaires et conflits commerciaux).