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Le formulaire de Déclarations du vendeur sur l’immeuble : la responsabilité du vendeur et du courtier immobilier

Le formulaire de Déclarations du vendeur sur l’immeuble : la responsabilité du vendeur et du courtier immobilier

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Dans le cadre d’une transaction immobilière résidentielle d’une copropriété ou d’un immeuble de moins de 5 logements faite par l’entremise d’un courtier, le formulaire de « Déclarations du vendeur sur l’immeuble » (communément « DV ») est utilisé. Il a un rôle central dans les dossiers de vices cachés, notamment quant à la responsabilité du vendeur et de son courtier dans le cadre de la transaction.

Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats

Date de rédaction : 2023-05

Date de mise à jour : n/a

1. Les déclarations du vendeur sur l’immeuble : bref rappel

Dans le cadre d’une transaction immobilière résidentielle d’une copropriété ou d’un immeuble de moins de 5 logements faite par l’entremise d’un courtier, le formulaire de « Déclarations du vendeur sur l’immeuble » (communément « DV ») est un document obligatoire, comme plusieurs autres formulaires[1].

Le formulaire DV complète le formulaire de promesse d’achat (PA).

Ces déclarations du vendeur dans la DV sont particulièrement importantes, car c’est notamment via ce document que le vendeur de l’immeuble atteste des éléments importants que le potentiel acheteur doit savoir au niveau de l’immeuble, notamment :

  • Informations générales sur l’immeuble (âge, location, conformité aux règlements, etc.) ;
  • Présence d’infiltrations d’eau ;
  • Qualité du sol ;
  • Le sous-sol, la toiture, la plomberie ;
  • Etc.

En effet, lors des recours en vices cachés, les déclarations générales du vendeur sur l’immeuble et le formulaire en question auront un rôle central afin de savoir notamment si un vice affectant l’immeuble vendu était caché ou non, et si le vendeur a fait des fausses déclarations.

  • Pour en savoir plus sur les vices cachés, voir Vices cachés : 10 choses à retenir.

2. Le rôle et la responsabilité du courtier immobilier dans la préparation de la déclaration du vendeur

Suivant la conclusion du contrat de courtage avec le vendeur pour un immeuble résidentiel, le courtier du vendeur a pour responsabilité de compléter la déclaration du vendeur avec ce dernier[2]

Le vendeur ne peut refuser de compléter le formulaire de Déclarations du vendeur. En effet, s’il refuse, le courtier ne pourra pas conclure le contrat de courtage avec son client.

Le courtier immobilier a des responsabilités importantes dans l’élaboration du formulaire de Déclarations du vendeur, autant déontologiques auprès de son client, qu’auprès du potentiel acheteur, notamment au terme du Code civil du Québec et du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité[3].

En effet, selon le règlement précité, le courtier « doit entreprendre les démarches pour découvrir, conformément aux usages et aux règles de l’art, les facteurs pouvant affecter défavorablement la partie qu’il, ou l’agence pour laquelle il agit, représente ou les parties à une transaction ou l’objet même de cette transaction »[4].

Même lorsque le formulaire de Déclarations du vendeur n’est pas obligatoire dans la transaction, le courtier du vendeur doit tout de même « recommander au propriétaire de l’immeuble de fournir ses déclarations sur l’immeuble à toute personne qui se propose d’acquérir un intérêt dans l’immeuble »[5].

Le courtier, dans le cadre de cette démarche, à un devoir de conseil et d’information auprès du vendeur et auprès des autres parties à la transaction[6], et doit « informer la partie qu’il représente et toutes les parties à une transaction de tout facteur dont il a connaissance qui peut affecter défavorablement les parties ou l’objet même de la transaction »[7].

À titre d’exemple, le Comité de discipline de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (l’« OACIQ »), dans l’affaire Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c Forté, 2014 CanLII 69407 (QC OACIQ),  rappelle qu’il est de la meilleure pratique de dénoncer les facteurs défavorables relatifs à l’immeuble dans le formulaire de Déclarations du vendeur (par. 67).

Invoquant les principes de bonne foi et les obligations déontologiques du courtier, la Cour du Québec (division des petites créances), dans l’affaire Breton c. Morissette, 2021 QCCQ 10457, rappelle les obligations du vendeur et aussi de son courtier à titre de mandataire de son client :

  • [32] C’est sur cette obligation de bonne foi que repose l’obligation de renseignement ou d’information des parties à un contrat.
  • [33] Auparavant, la Cour suprême avait énoncé qu’une partie ne peut se contenter de répondre honnêtement aux questions de l’autre partie. Elle doit prendre l’initiative de lui divulguer tous les faits qui sont normalement susceptibles d’influencer le consentement de l’autre partie de façon importante.
  • [34] L’obligation de renseignement du vendeur dépasse la question des vices affectant le bien vendu. Son obligation de renseignement s’étend aux faits déterminants, susceptibles d’influencer le consentement de son cocontractant.
  • [35] L’information donnée par le vendeur doit être suffisante et non trompeuse ou parcellaire. Il ne s’agit pas d’un jeu de cache-cache entre le vendeur et l’acheteur.
  • [36] Le courtier immobilier est le mandataire des vendeurs. Il a lui aussi des obligations face à un acheteur potentiel.
  • [37] Le courtier immobilier a le devoir vérifier les renseignements qu’il collige et publie, et qui sont destinés au public. Il doit être proactif et entreprendre les démarches nécessaires pour découvrir les informations pouvant affecter les parties à une transaction. En cas d’erreur ou d’omission, il ne peut invoquer s’être appuyé sur les déclarations de son client. Il est responsable des dommages causés par l’information erronée ou manquante qu’il devait vérifier.

Ces enseignements jurisprudentiels permettent de placer en contexte autant le rôle du vendeur qui signe le formulaire de Déclarations du vendeur que le courtier qui l’assiste.

3. L’impact des déclarations du vendeur en matière de vices cachés

Dans le cadre d’un dossier de vices cachés, la déclaration du vendeur sera un document particulièrement central afin de déterminer si le vice était connu ou inconnu de l’acheteur au moment de la vente.

La déclaration du vendeur se limite toutefois à ce que le vendeur connait ou peut connaitre de l’immeuble qu’il vend. Il arrivera en pratique qu’une déclaration du vendeur soit de peu d’utilité, par exemple lorsque des héritiers vendent un immeuble dans lequel ils n’ont jamais vécu. Dans ce dernier cas, la connaissance du vendeur de l’immeuble peut être très faible, de sorte que les déclarations du vendeur seront de peu d’utilité au futur acheteur.

En général, l’acheteur, face aux déclarations du vendeur notamment dans le document « Déclaration du vendeur », peut en partie se fier à ce qui y est inscrit pour évaluer l’immeuble.

La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire Giagnotti c. Anania, 2016 QCCA 914, confirme l’importance de la déclaration du vendeur :

  • [97] […] L’inspection préachat n’est pas un jeu de cache-cache. L’acheteur est en droit de prêter foi aux déclarations du vendeur et de croire à l’absence de problème si le vendeur le lui confirme.

La Cour du Québec, dans l’affaire Grenon c. Gilbert, 2019 QCCQ 5374, explique bien la responsabilité de l’acheteur dans le cadre de sa vérification diligente de l’immeuble :

[54] Un acheteur a une obligation de prudence et de diligence lorsqu’il fait l’acquisition d’un bien et il doit l’inspecter raisonnablement. Il doit également apporter une attention particulière à tout indice pouvant laisser présager un problème quelconque[9].

[55] Un vice serait considéré apparent si un acheteur raisonnable avait pu le déceler et, dans ce cas, la garantie pour vices cachés ne s’appliquera pas si l’acheteur fait défaut d’exécuter son devoir d’inspection convenablement[10].

[56] L’acheteur qui veut être prudent et diligent doit effectuer quelques efforts dans la découverte d’un vice et la simple possibilité d’en découvrir un suffit pour qu’il ne soit pas considéré caché[11].

Si la déclaration du vendeur laisse des indices pouvant laisser présager la présence de vices sur l’immeuble, l’acheteur devra pousser plus loin son inspection, à défaut de quoi, il pourra se faire opposer le défaut de vérification par le vendeur dans le cadre d’un recours en vices cachés, ce qui peut mener à l’échec du recours.

4. Le vice apparent peut devenir « juridiquement caché » selon les déclarations du vendeur

Il pourra arriver que par les déclarations du vendeur, notamment dans le document « Déclaration du vendeur » ou suivant des discussions avec l’acheteur, qu’un vice qui était possiblement apparent, devienne caché si le vendeur rassure l’acheteur de sorte que ce dernier ne continue pas ses vérifications.

La Cour supérieure du Québec, dans l’affaire Crooks c. Nguyen, 2022 QCCS 55, résume bien ce principe :

  • [58] Un vice peut cependant être juridiquement caché. Dans Yargeau c. Carrier, la Cour d’appel énonce que lorsque le vendeur omet de divulguer certains faits ou communique des informations incomplètes ou fausses qui erronément rassure l’acheteur, le vice apparent devient juridiquement caché.

5. À retenir

Dans le cadre d’une transaction immobilière résidentielle encadrée par un courtier immobilier, il est à retenir, pour chacun des intervenants, ce qui suit :

  • Pour le vendeur : il doit, de bonne foi, divulguer les éléments défavorables dont il a connaissance sur l’immeuble au potentiel acheteur, notamment via le formulaire de Déclarations du vendeur ;
  • Pour le courtier du vendeur : il doit vérifier les informations, s’assurer au mieux que les déclarations du vendeur sont valides, et conseiller le vendeur sur la teneur des déclarations qui sont faites sur l’immeuble ;
  • Pour l’acheteur : il doit faire des efforts raisonnables pour découvrir les vices potentiels affectant l’immeuble, pour être qualifié de « prudent et diligent ».

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter un avocat.


[1] Art. 23 et 24 de la Loi sur le courtage immobilier, RLRQ c C-73.2; Art. 11 Règlement sur les contrats et formulaires, RLRQ c C-73.2, r 2.1.

[2] Règlement sur les contrats et formulaires, RLRQ c C-73.2, r 2.1, art. 14.

[3]Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité RLRQ c C-73.2, r 1.

[4] Préc. note 3, art. 84.

[5] Préc. note 3, art. 82.

[6] Préc. note 3, art. 83.

[7] Préc. note 3, art. 85.

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Auteur de cet article
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

St-Aubin avocats inc. est un cabinet spécialisé en litige civil et commercial, en immobilier et construction. Fort d’une équipe d’expérience en litige, St-Aubin avocats inc. cherche à donner l’heure juste à ses clients, tout en les menant vers les solutions les plus adaptées pour résoudre les problèmes rencontrés. L’approche pragmatique et efficace du cabinet nous permet de trouver des solutions alliant le droit aux affaires. Notre cabinet intervient principalement dans des litiges immobiliers, de construction et des litiges commerciaux (conflits entre actionnaires et conflits commerciaux).