L’option de renouvellement du bail commercial : l’effet de l’échec des négociations
Les baux commerciaux contiennent souvent une clause permettant au locataire de renouveler le bail. Il arrive que cette clause prévoie clairement les conditions de renouvellement (prix, etc.), mais aussi que le prix du loyer soit sujet à une négociation entre le locateur et le locataire. Or, dans ce dernier cas de figure, qu’arrive-t-il lorsque les négociations échouent ?
Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats
Date de rédaction : 2025-01
Date de mise à jour : n/a
1. La clause d’option de renouvellement du bail
Une clause de renouvellement qui prévoit clairement les conditions de renouvellement du bail, notamment le prix, pose moins de problème dans son application qu’une clause qui laisse la discrétion aux parties de convenir de nouvelles conditions.
Lorsque les parties prévoient négocier pour les termes de renouvellement d’un bail, plusieurs problèmes peuvent survenir pendant les négociations et il n’est pas rare que les négociations puissent échouer. Alors qu’arrive-t-il lorsqu’une partie se sent lésée dans le processus ?
La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire 2177 23rd Avenue Holdings c. Pival International inc., 2025 QCCA 19, devait appliquer une clause de renouvellement au bail qui se lit ainsi :
- 27.6 Option de renouvellement
- À la condition que le Locataire remplisse, de bonne foi et ponctuellement, toutes les obligations qui lui incombent en vertu du bail et qu’il ne soit pas en défaut en vertu de l’une quelconque d’entre elles pendant le terme du bail, il pourra renouveler le présent bail pour une (1) période additionnelle de cinq (5) ans, soit pour la période débutant le 1er janvier 2023 et se terminant le 31 décembre 2028[3]. Un avis écrit, au moins neuf (9) mois avant l’expiration du présent bail, devra être donné au Bailleur. À défaut d’avis par le Locataire, le présent bail prendra automatiquement fin à l’arrivée du terme fixé.
- Si le Locataire désire se prévaloir de l’option, le nouveau prix fixé pour son loyer devra être négocié dans un délai de soixante (60) jours de l’avis, et une nouvelle entente de location devra avoir été conclue entre les parties à l’intérieur du même délai, à défaut de quoi, l’option de renouvellement deviendra nulle et non avenue à l’expiration dudit délai de soixante (60) jours. Les taux applicables pour fixer le loyer seront les taux du marché et/ou de l’Immeuble alors en vigueur pour un terme équivalent et pour un espace comparable et d’usage similaire aux Lieux Loués et situés dans le même secteur de la ville de Montréal.
Ce type de clause se retrouve fréquemment dans les baux commerciaux, avec certaines variantes. Souvent, et comme dans cette affaire, pour se prévaloir de l’option de renouvellement, le locataire doit transmettre un avis à cet effet au locateur et les parties doivent négocier dans un délai donné pour fixer le nouveau loyer convenu. Si la négociation n’aboutit pas, le bail prend fin.
2. L’obligation de négocier de bonne foi
Dans le cadre du processus de négociation en vue d’un renouvellement du bail, les questions suivantes peuvent se poser : est-ce que les parties peuvent négocier n’importe comment ? Est-ce qu’une partie pourrait imposer des conditions de négociation déraisonnables ?
Ces questions ont été abordées par la jurisprudence. Essentiellement, les parties ont le devoir de négocier de « bonne foi » à tous les stades de la relation contractuelle[1] et elles ne doivent pas utiliser leurs droits de façon excessive, déraisonnable ou en vue de nuire à autrui (art. 7 C.c.Q.).
Afin de déterminer les obligations des parties dans le cadre des négociations, il faut d’abord se référer au contrat. Voici quelques exemples d'actes qui peuvent être interprétés comme étant de mauvaise foi :
- Ne pas démontrer que le loyer proposé dans le cadre d’un renouvellement est basé selon les données du marché[2];
- Refuser finalement de conclure un contrat qui a été négocié longuement alors qu’une partie a engagé des travaux importants en prévision de la conclusion du contrat[3].
Cependant, si une partie a manqué à son obligation de négocier de bonne foi, il n’est pas efficace selon la Cour d’appel d’obliger par jugement une partie à reprendre des négociations[4]. Ainsi, les dommages-intérêts seront privilégiés comme remède.
3. La qualification juridique d’une option de renouvellement avec des conditions à être négociées
Malgré l’utilisation du mot « option de renouvellement » dans le bail, une clause de renouvellement qui ne stipule pas clairement les éléments essentiels du renouvellement (par exemple le prix) et qui laisse les parties à la négociation peut possiblement être interprété seulement comme un « droit de préférence » au bénéfice du locataire, comme le rappelle la Cour d’appel dans l’affaire 2177 23rd Avenue Holdings c. Pival International inc., 2025 QCCA 19.
En effet, la Cour d’appel, dans l’affaire précitée, indique ce qui suit :
- [45] Il est vrai que la clause 27.6 ne laisse pas la négociation du nouveau bail, ni même celle du loyer, complètement ouverte, contrairement aux clauses dont il est question dans certains des arrêts invoqués par les Propriétaires. Par exemple, dans Place Lebourgneuf inc. c. Autodrome de Val Bélair inc., la clause stipulait que « chacun des termes et conditions du bail à intervenir [doit] faire l’objet d’une entente entre les parties »[13]. La clause ici est plus précise en ce qu’elle prévoit des paramètres pour la fixation du loyer. Elle se rapproche davantage des clauses d’option de renouvellement que l’on trouve en doctrine et dans une certaine jurisprudence[14].
- [46] Mais le loyer n’est pas pour autant « déterminable » au sens des articles 1373 et 1374 C.c.Q.[15] En effet, la clause 27.6 ne renvoie pas à un indice des prix connu, non plus qu’elle ne prévoit un mécanisme de détermination du loyer « objectif et extérieur aux parties »[16]. Même les mots « espace comparable et d’usage similaire » sont sujets à discussion. La détermination du loyer dépend de l’issue des négociations entre les parties.
[…]
- [50] En l’espèce, les parties auraient pu prévoir une clause d’arbitrage obligatoire[17] ou de fixation du loyer par un expert. Au lieu de cela, elles ont convenu qu’à défaut d’entente sur le loyer dans un délai de 60 jours, l’option de renouvellement deviendrait nulle et non avenue. Comme c’était le cas pour la clause dont il est question dans l’arrêt Cité Nordelec inc. c. 9087-0593 Québec inc.[18], en l’espèce, cette partie de la clause 27.6 fait perdre à l’option de renouvellement tout caractère contraignant[19].
La Cour, toujours dans l’affaire 2177 23rd Avenue Holdings c. Pival International inc., 2025 QCCA 19, indique comment appliquer une telle clause :
- [52] Ainsi, en présence d’une clause qui prévoit qu’à défaut d’entente, le bail prendra fin (ou l’option de renouvellement deviendra nulle et non avenue), le tribunal n’a d’autre choix que d’appliquer la conséquence prévue par les parties. Certes, une telle clause oblige les parties à négocier de bonne foi[22], mais elle ne permet pas au tribunal de fixer le loyer. Si une partie manque à son obligation de négocier de bonne foi, le tribunal pourra seulement la condamner à des dommages-intérêts pour le préjudice causé à l’autre partie par le non-respect des exigences de la bonne foi[23].
4. Conclusion
Lors de la conclusion d’un bail commercial, il est crucial de convenir de clauses de renouvellement adéquates, et idéalement prévoir des conditions objectives à la fixation du loyer à venir (par exemple, se baser sur les données de l’inflation, se référer à l’arbitrage en application de méthodes et comparatifs prédéterminés, etc.).
Sans cela, les parties ont l’obligation de négocier de bonne foi et à défaut, des dommages peuvent être réclamés. Par une bonne rédaction et une bonne prévision des conditions de renouvellement d’un bail, les litiges dans le cadre des négociations peuvent être évités.
[1] 2177 23rd Avenue Holdings c. Pival International inc., 2025 QCCA 19, par. 60, citant Québec (Procureur général) c. Pekuakamiulnuatsh Takuhikan, 2024 CSC 39.
[2] Desjardins Sécurité financière c. Bergeron, 2011 QCCS 2204, par. 47.
[3] Singh c. Kohli, 2015 QCCA 1135, par. 78. Voir aussi Société en commandite de Copenhague c. Corporation Corbec, 2014 QCCA 439, par. 54.
[4] 2177 23rd Avenue Holdings c. Pival International inc., 2025 QCCA 19, par. 83 à 85.
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