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L’ordonnance de sauvegarde en droit civil : un moyen rapide et efficace pour protéger temporairement les droits d’une partie

L’ordonnance de sauvegarde en droit civil : un moyen rapide et efficace pour protéger temporairement les droits d’une partie

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats

Date de rédaction : 2023-04

Date de mise à jour : n/a

C’est un secret de polichinelle que d’affirmer qu’il est parfois long avant d’obtenir un jugement dans une affaire litigieuse.

Cependant, pour certaines procédures, il est possible d’obtenir un jugement dans un très court délai. Une de ces procédures est l’ordonnance de sauvegarde.

En effet, la nature principale de l’ordonnance de sauvegarde est qu’elle est urgente, et donc que le jugement doit être rendu rapidement pour éviter un préjudice irréparable à une partie. Il n’est donc pas rare qu’une procédure d’ordonnance de sauvegarde soit présentée à l’intérieur d’un délai de 24 heures.

Considérant le caractère urgent et expéditif de la procédure de sauvegarde, plusieurs critères ont été développés par la jurisprudence afin d’encadrer le tout.

En effet, la Cour d’appel, dans l’affaire, Tremblay c. Cast Steel Products (Canada) Ltd., 2015 QCCA 1952, a énoncé les quatre critères à rencontrer pour celui qui veut obtenir une ordonnance de sauvegarde :

  1. l’urgence, qui peut aussi être une « nécessité de maintenir le statu quo ou l’équilibre des parties durant l’instance » (par. 11);
  2. l’apparence de droit;
  3. le préjudice irréparable;
  4. la balance des inconvénients.

La Cour supérieure du Québec, dans l’affaire Succession de J.L., 2023 QCCS 529, cite les principes applicables sur lesquels se base le tribunal pour décider face à une demande d’ordonnance de sauvegarde :

  • [31] Notre collègue, l’honorable juge Suzanne Ouellette, résume très bien, dans l’affaire Normandeau c. Cogeco Média inc.[5], les principes applicables en matière que d’ordonnance de sauvegarde. Elle les décline ainsi :
  • 1. Il s’agit d’une mesure judiciaire discrétionnaire;
  • 2. Elle est de nature exceptionnelle puisqu’elle n’est accordée qu’en cas d’urgence : sans urgence, pas d’ordonnance;
  • 3. Elle est émise pour des fins conservatoires et vise essentiellement à préserver les droits des parties au litige;
  • 4. L’ordonnance de sauvegarde commande un contrôle préalable sérieux;
  • 5. Elle doit être pour une durée limitée;
  • 6. Elle constitue une mesure temporaire émise en l’absence de présentation d’une preuve complète;
  • 7. Le but de l’ordonnance de sauvegarde est de maintenir le statu quo et/ou de rétablir l’équilibre;
  • 8. Les tribunaux doivent utiliser le pouvoir exceptionnel de l’ordonnance de sauvegarde avec prudence et retenue;
  • 9. Il faut éviter de sceller le sort du litige ou de préjuger du fond;
  • 10. L’ordonnance de sauvegarde ne doit pas créer un état de fait prolongé qui puisse servir à cristalliser une situation avant que les parties n’aient pu soumettre tous leurs moyens : le recours au fond doit conserver son utilité;
  • 11. L’ordonnance de sauvegarde n’est pas le recours approprié pour obtenir le paiement d’une créance, sauf cas exceptionnels.

Le tribunal, saisi d’une telle demande, va pondérer les quatres critères ainsi, comme le résume l’affaire Ordre des opticiens d'ordonnance du Québec c. 9372-3781 Québec inc., 2023 QCCS 143 :

[5] L’analyse de tous les critères se fait de façon globale et notamment, plus l’apparence de droit est forte, moins la prépondérance des inconvénients est importante et vice-versa. Dans tous les cas, il s’agit d’un recours discrétionnaire.

[6] En effet, ces critères s’influencent les uns les autres, même s’ils doivent tous être satisfaits. Déjà en 1995, dans Brassard c. Société zoologique de Québec inc., la Cour d'appel parlait d'une interrelation entre les trois critères :

  • Moins l'apparence de droit s'avère forte, plus la nécessité de l'examen attentif du caractère irréparable du préjudice s'impose, comme celle, éventuellement, du poids des inconvénients.

[7] Ce principe est bien résumé par le juge Sharpe dans son ouvrage de référence sur l’injonction :

  • It seems clear that the other factors influence the weight to be given to balance of convenience. If the plaintiff's case looks very strong, he or she may well succeed, although the injunction would cause greater inconvenience to the defendant than withholding preliminary relief would cause the plaintiff. Where the plaintiff's case looks weak, the balance of convenience may tilt in favour of the defendant. 

[8] Cela dit, la demanderesse n’a qu’un fardeau de démonstration à cette étape du dossier et le Tribunal ne doit procéder qu’à un examen préliminaire de l’affaire, en se gardant de trancher le litige au fond. Enfin, dans tous les cas, l’octroi d’une injonction reste une mesure discrétionnaire. En somme, pour avoir gain de cause, l’Ordre doit établir une apparence de droit, le risque d’un préjudice irréparable ou sérieux si l’ordonnance n’était pas prononcée, que la prépondérance des inconvénients la favorise et enfin, que la situation est urgente au point d’exiger l’intervention immédiate du Tribunal.

Les exemples jurisprudentiels sont nombreux. Ce qui importe est une bonne analyse du dossier afin de déterminer si les faits en cause peuvent permettre de démontrer la présence des quatre critères essentiels justifiant l’émission d’une ordonnance de sauvegarde.

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter un avocat.

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Auteur de cet article
M<sup>e</sup> Manuel St-Aubin
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

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