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Promesse d’achat et clause d’inspection : comment l’acheteur peut se retirer légalement suivant l’inspection préachat ?

Promesse d’achat et clause d’inspection : comment l’acheteur peut se retirer légalement suivant l’inspection préachat ?

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Dans le cadre d’une transaction immobilière résidentielle, il est reconnu que l’inspection préachat est un élément central pour l’acheteur dans le cadre de sa vérification diligente avant l’achat. La promesse d’achat prévoit une clause pour encadrer le processus d’inspection. Or, quels sont les impacts juridiques de cette clause ? Comment un acheteur, insatisfait de l’inspection, peut se retirer de la transaction sans dommages ?

Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats

Date de rédaction : 2023-07

Date de mise à jour : n/a

1. L’importance et le but de l’inspection préachat

L’inspection préachat est généralement recommandée à un futur acheteur (ou « promettant-acheteur »), bien qu’elle ne soit pas juridiquement obligatoire. Ne pas en faire faire une peut cependant emporter des impacts juridiques importants.

L’inspection préachat aura notamment pour but de découvrir les vices apparents de l’immeuble et les points qui doivent faire l’objet de vérifications plus poussées par un expert.

L’inspecteur en bâtiment procédera le plus souvent via une inspection strictement visuelle, qui n’est pas invasive. L’inspecteur préachat est en quelque sorte un généraliste de l’immeuble et référera le futur acheteur aux experts appropriés s’il décèle un élément qui nécessite une expertise supplémentaire.

À cet égard, l’inspecteur a des responsabilités et des obligations qui découlent de la loi, de la jurisprudence et de ses normes de pratique.

a) Si la vente est faite avec la garantie légale :

L’inspection préachat sera un élément central dans le cadre d’une vente avec garantie légale. Suivant la vente, s’il y a découverte d’un vice caché affectant l’immeuble, le promettant-acheteur devra démontrer qu’il a été prudent et diligent dans le cadre de l’acquisition de l’immeuble. À cet égard, avoir procédé à une bonne inspection préachat peut jouer en faveur de l’acheteur qui se retrouve face à des vices cachés.

De l’autre côté, si aucune inspection préachat n'a été faite et que l’acheteur découvre par la suite des vices cachés, cela pourrait ajouter une difficulté au recours, surtout si les vices découverts auraient pu être décelés via une inspection visuelle avant la vente. L’acheteur court alors le risque d’être qualifié de non prudent et non diligent dans le cadre de l’acquisition de l’immeuble, pouvant ainsi faire échec à un recours en vices cachés.

Pour le vendeur dans le cadre d’un recours en vices cachés de l’acheteur, l’inspection préachat pourra permettre de déterminer si les vices étaient apparents, et si tel est le cas, cela pourra faire échec au recours de l’acheteur.

b) Si la vente est faite sans garantie légale :

L’inspection préachat est un élément primordial afin de protéger l’acheteur afin que ce dernier sache l’état de l’immeuble qu’il achète. En effet, vu l’absence de garantie légale, l’acheteur n’aura plus de recours contre le vendeur s’il s’avère que l’immeuble acheté était affecté de vices cachés.

Vu l’absence de la garantie légale, il est d’autant plus important pour l’acheteur de découvrir tous les potentiels vices affectant l’immeuble afin d’éviter les mauvaises surprises suivant la vente.

2. Les obligations du courtier immobilier face à l’inspection préachat

Outre ses obligations de conseils face à son client, le courtier immobilier a l’obligation de recommander à l’acheteur potentiel de faire effectuer une inspection complète de l’immeuble par un professionnel ou un inspecteur en bâtiment qui remplit les critères suivants[1] :

  • Il « détient une assurance responsabilité professionnelle contre les fautes, erreurs ou omissions » ;
  • Il « utilise une convention de service d’inspection reconnue » ;
  • Il « effectue ses inspections conformément à une norme de pratique de l’inspection en bâtiment reconnue », par exemple les normes de l’AIBQ, InterNACHI, éventuellement la norme BNQ 3009-500 (obligatoire à compter de l’année 2024) ;
  • Il « remet un rapport écrit à la partie qui utilise ses services ».

Le courtier peut ainsi fournir à l’acheteur une liste de références d’inspecteurs ou professionnels qui respectent les critères ci-dessus[2].

Bien que cela ne soit pas une obligation clairement mentionnée par la loi, le courtier du vendeur pourrait avoir intérêt à être présent lors de l’inspection préachat commandée par l’acheteur : il aura connaissance de plusieurs éléments identifiés lors de l’inspection car le vendeur et son courtier n’auront pas nécessairement accès au rapport d’inspection, sauf si l’acheteur accepte de le partager avec le vendeur.

Il est de même pour le courtier de l’acheteur, car ce dernier pourrait poser des questions à l’inspecteur et au vendeur et conseiller adéquatement son client dans le cadre de la transaction.

3. Présentation de la clause d’inspection de la promesse d'achat

La clause d’inspection formulée dans le formulaire de promesse d’achat préparé par l’OACIQ se lit comme suit :

  • 8.1 Cette promesse d’achat est conditionnelle à ce que l’ACHETEUR puisse faire inspecter l’immeuble par un inspecteur en bâtiment ou un professionnel dans les _____ jours suivant l’acceptation de la présente promesse d’achat. Si cette inspection révèle l’existence d’un facteur se rapportant à l’IMMEUBLE, susceptible, de façon significative, d’en diminuer la valeur ou les revenus ou d’en augmenter les dépenses, l’ACHETEUR devra en aviser le VENDEUR, par écrit, et devra lui remettre une copie du rapport d’inspection, au plus tard la ____ journée suivant l’expiration du délai mentionné ci-dessus, avant _____h. La présente promesse d’achat deviendra nulle et non avenue à compter du moment de la réception, par le VENDEUR, de l’avis accompagné d’une copie du rapport d’inspection. Dans le cas où l’ACHETEUR n’aviserait pas le VENDEUR dans le délai et de la façon prévus ci-dessus, il sera réputé avoir renoncé à la présente condition.
  • OU
  • En apposant ses paraphes, l’ACHETEUR reconnaît avoir été informé de son droit de faire inspecter l’IMMEUBLE par un inspecteur en bâtiment ou un professionnel et avoir renoncé à son droit de le faire. Il reconnaît également avoir été informé par le courtier identifié à la clause 2.1 des risques de ne pas avoir procédé à une inspection.

Cette clause est tirée du formulaire obligatoire de l’OACIQ pour une promesse d’achat d’un « Immeuble principalement résidentiel de moins de 5 logements excluant la copropriété ».

Comme l'énonce la Cour du Québec dans Durand c. Struhal, 2022 QCCQ 993, « cette clause de retrait est stipulée en faveur de l'acheteur et à son seul bénéfice » (par. 29). L’application de la clause permet au promettant-acheteur, sous réserve des conditions pour l’appliquer, de se retirer de la transaction suivant l’inspection préachat. Ainsi, si le promettant-acheteur renonce à cette clause, il renonce aux droits qui lui auraient été accordés de par celle-ci.

À la lecture de la clause, les éléments suivants doivent être respectés par le promettant-acheteur pour se retirer adéquatement de la transaction :

  • Il doit avoir fait inspecter l’immeuble par un inspecteur en bâtiment ou un professionnel dans les délais déterminés dans la clause ;
  • L’inspection doit révéler un facteur susceptible de diminuer la valeur ou les revenus ou d’augmenter les dépenses face à l’immeuble, et ce facteur doit être « significatif » ;
  • Le tout à l’intérieur du délai fixé par la clause, remettre le rapport d’inspection préachat au vendeur avec l’avis qui indique qu’il rend nulle et non-avenue la promesse d’achat.

Sous une autre formulation, la Cour du Québec, toujours dans l’affaire Durand c. Struhal, 2022 QCCQ 993, énonce les critères devant être respectés :

[30] La clause permet l'annulation de la promesse d’achat si les conditions suivantes sont remplies :

  1. Des facteurs sont révélés par l'inspection;
  2. Ces facteurs apparaissent de manière objective;
  3. Ces facteurs sont susceptibles d'affecter la valeur de la propriété à la baisse, d'en diminuer les revenus ou d'en augmenter les dépenses;
  4. Et ce, de manière significative.

À défaut de respecter les critères ci-dessus, le promettant-acheteur qui se retire d’une transaction pourrait se voir condamné à des dommages en faveur du vendeur et même des courtiers impliqués en lien avec le non-respect de la promesse d’achat.

En effet, comme le mentionne le tribunal, l’acheteur qui se prévaut de la clause d’inspection pour se retirer de la transaction « ne peut pas se désister de sa promesse de façon purement arbitraire ou capricieuse »[3].  

4. Comment la clause d’inspection est interprétée par les tribunaux

À la lecture de la clause d’inspection, la question suivante se pose : qu’est-ce qu’un facteur « significatif » pouvant diminuer la valeur de l’immeuble, ses revenus ou augmenter ses dépenses ?

Les tribunaux du Québec ont été appelés à plusieurs reprises à trancher sur ce qui peut être qualifié de « significatif » au sens de la clause d’inspection.

La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire Lozeau c. Stern, 2013 QCCA 685, nous éclaire des commentaires suivants :

  • Selon le juge Morissette : « Une incertitude sérieuse quant à une éventuelle nécessité de procéder à des travaux coûteux pour une mise à niveau réglementaire de l’immeuble satisfait aux exigences de la clause B2.4 » (similaire à la nouvelle clause 8.1) (par. 21).
  • Selon la juge Bich : « le « facteur » n'a pas à être un défaut avéré, mais peut se rattacher à la simple possibilité d'un tel défaut » (par. 25).

Il ressort de ces commentaires que l’interprétation de la clause d’inspection ne doit pas être excessivement stricte. Cependant, des critères particuliers doivent être respectés.

La Cour supérieure du Québec, dans l’affaire Lefrançois c. Kottaras, 2003 CanLII 1058, donne un bon aperçu de la façon d’interpréter la clause d’inspection, principalement sur la question du facteur « significatif » du défaut pouvant engendrer le retrait du promettant-acheteur de la transaction :

  • [14] […] tout «défaut» ou «problème» révélé par l'inspection n'ouvre pas automatiquement le droit à l'annulation de la promesse d'achat.  L'utilisation du mot «susceptible» indique que le «facteur se rapportant à l'immeuble» dont on se plaint doit avoir la capacité de diminuer la valeur du bien, être de nature à avoir cet effet. Il doit par ailleurs être, ou l'ensemble des défauts et problèmes doivent par ailleurs être suffisamment importants pour avoir un impact «significatif» sur le prix offert, soit qu'ils diminuent la valeur de l'immeuble ou ses revenus (ce dernier élément n'est pas applicable ici), soit qu'ils augmentent les dépenses éventuelles.
  • [15] L'ampleur des vices pouvant être invoquée est à rapprocher de celle des vices cachés dont traite l'article 1726 C.c.Q. Tandis que la clause d'inspection traite des «facteur[s] susceptible[s], de façon significative, de diminuer la valeur de l'immeuble», l'article 1726 traite des vices «qui diminuent tellement l'utilité [du bien] que l'acheteur ne l'aurait pas acheté ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus».  Dans les deux cas, il s'agit de se demander si les vices sont d'une telle importance qu'ils sont de nature à modifier la décision d'acheter au prix convenu (sinon d'acheter purement et simplement).  En somme, il s'agit de se demander s'ils sont de nature à justifier une diminution du prix de vente.  Lorsque c'est le cas, la clause d'inspection donne le droit à l'acheteur d'annuler purement et simplement sa promesse d'achat.
  • […]
  • [17] Ce qui précède fait voir que la «clause d'inspection» n'a pas pour but de procurer à l'acheteur «une garantie d'absence totale de vétusté dans le cas d'un bien usagé», suivant les mots de M. le juge Bossé dans Germain c. Deschênes[2].
  • [18]  Par ailleurs, les défaut révélés par l'inspection ne doivent pas s'avérer sans effet ou de «conséquence insignifiante»[3].  Comme on le souligne dans l'affaire Germain précitée, «l'utilité du bien doit être diminuée notablement, à un point tel que le bien a subi une baisse de valeur et que, en conséquence, l'acheteur n'aurait pas donné un aussi haut prix ou n'aurait pas acheté»[4] (gras ajouté).
  • [19] Pour juger de l'application de la clause, il faut par ailleurs appliquer une norme objective. La clause elle-même renvoie à une telle norme. Elle renvoie à l'immeuble lui-même, pas à l'acheteur. En cela, elle est plus spécifique que l'article 1726 C.c.Q.
  • [20]  Le caractère suffisant des défauts prévus par la clause d'inspection ne peut donc être laissé au seul jugement de l'acheteur et ne peut être évalué de façon arbitraire, capricieuse ou discrétionnaire.  M. le juge Hurtubise se disait d'avis dans Éditions Tormont inc. c. 165507 Canada inc.[5], une affaire où la clause prévoyait que tout devrait être «à l'entière satisfaction de l'acheteur», que même une telle clause, pourtant fort large, «ne doit pas être comprise comme donnant ouverture à un pur caprice du promettant acheteur» ; son application «ne saurait être purement arbitraire ni capricieuse» (p. 13).
  • [21]  Cela dit, il faut reconnaître à l'acheteur une certaine marge d'appréciation dans l'évaluation du ou des facteurs affectant l'immeuble.  Son appréciation n'a pas à être en tous points celle de l'éventuel Tribunal appelé à juger.  L'acheteur ne dispose d'ailleurs pas de cette opinion au moment où il prend sa décision.  Le Tribunal appelé à juger doit être conscient de la fourchette possible lorsqu'il s'agit d'appréciation.  Il ne peut non plus perdre de vue que la clause est stipulée au profit de l'acheteur.
  • [22] Par ailleurs même si un défaut important pour l'un peut ne pas l'être pour un autre ou l'être moins, il peut être important pour plus d'un. Il peut donc être de nature à influencer le prix de vente ou la décision d'acheter même s'il n'est pas nécessairement important ou significatif pour tous.
  • [23]  Tout cela ne change pas que le caractère significatif du ou des facteurs invoqués doit apparaître de façon objective.

Il ressort donc de la jurisprudence qu’il faut interpréter objectivement la situation face à un défaut significatif affectant l’immeuble. Ainsi, la pure subjectivité de ce qui est significatif ou pas pour le promettant-acheteur est écartée par rapport à l’application de la clause d’inspection.

5. À retenir

L’inspection préachat est un point crucial dans le cadre d’une transaction immobilière résidentielle. Ainsi, la clause d’inspection à la promesse d’achat est importante. Autant les courtiers impliqués que les parties à la transaction doivent l’appliquer scrupuleusement, surtout lorsque des problèmes majeurs sont dévoilés à l’inspection.

Il ressort de la jurisprudence analysée que les facteurs suivants sont notamment pris en compte afin de déterminer si le promettant-acheteur a valablement utilisé la clause d’inspection pour se retirer de la transaction :

  • Le fait que ce soit l’achat d’une première maison pour l’acheteur[4] ;
  • L’acheteur n’a pas de connaissance en construction[5] ;
  • L’âge de l’immeuble, sa nature et le prix d’achat[6] ;
  • Le contexte de la transaction ;
  • Etc.

Il est à noter que dans l’affaire Lozeau c. Stern, 2011 QCCS 3741, le tribunal indique qu’« il faut d'abord se replacer au moment où ce retrait a été communiqué » (par. 50) pour évaluer si un promettant-acheteur a un motif valable pour se retirer de la promesse d’achat. Dans le cadre d’un litige en cette matière, il faut donc éviter de fonder toute l’analyse sur des faits postérieurs au moment où cette clause a été utilisée.

Finalement, les faits entourant la transaction sont importants afin d’évaluer la validité d’un retrait de la transaction.

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter un avocat.

*Image par Annie Le de Pixabay


[1] Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, RLRQ c C-73.2, r 1, art. 81.

[2] Id.

[3] Hartropp c. Bouskila, 2010 QCCQ 5334, par. 13.

[4] Hartropp c. Bouskila, 2010 QCCQ 5334, par. 17.

[5] Durand c. Struhal, 2022 QCCQ 993, par. 25.

[6] Lefrançois c. Kottaras, 2003 CanLII 1058, par. 16.

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Auteur de cet article
M<sup>e</sup> Manuel St-Aubin
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

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