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Règlement d’un litige à l’amiable : conséquences du non-respect d’une transaction

Règlement d’un litige à l’amiable : conséquences du non-respect d’une transaction

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Le processus judiciaire peut être long et coûteux pour les parties à un différend. C’est pourquoi il est fréquent que celles-ci tentent de s’entendre sur les termes d’une transaction, contrat mieux connu sous l’expression « règlement à l’amiable ». Une fois qu’une transaction est conclue, qu’arrive-t-il si une des parties refuse de s’y conformer?

Auteur : Manuel St-Aubin, avocat associé chez St-Aubin avocats.

Date de rédaction : juillet 2020

Dernière mise à jour : avril 2024 (1ere mise à jour)

1. Qu’est-ce qu’est une transaction ?

La transaction est un contrat ayant pour but de mettre fin à un litige sans avoir à aller devant le tribunal et obtenir un jugement. 

La transaction est un contrat qui est défini par l’article 2631 du Code civil du Québec (C.c.Q.) de la manière suivante :

  • 2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l’exécution d’un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.
  • Elle est indivisible quant à son objet.

Par définition, son objectif est de :

  • Prévenir la judiciarisation d’un différend;
  • Mettre fin à un litige judiciarisé;
  • Régler les difficultés qui surviennent lors de l’exécution d’un jugement.

La transaction ne requiert aucune forme particulière et peut donc être verbale ou écrite[1].

Entre les parties, la transaction a l’autorité de la chose jugée[2], c’est-à-dire qu’elle a quasiment le même effet qu’un jugement. Elle peut autant rester confidentielle, ou être homologuée par un tribunal, le cas échéant. 

2. Le non-respect d'une transaction

Si une partie ne respecte pas ses obligations prévues à la transaction, cela ne fait pas nécessairement en sorte que la transaction puisse être résolue ou annulée. En effet, la Cour d’appel du Québec, dans l’affaire Betanzos c. Premium Sound 'N' Picture Inc., indique ce qui suit :

  • [14] En effet, la transaction est, par nature, un contrat qui a un caractère déclaratif et non synallagmatique. Cela implique que les obligations et droits d’une partie ne sont pas corrélatifs à ceux de l’autre partie et, par conséquent, ne peuvent faire l’objet d’une résolution en raison de l’inexécution des obligations. […][3]

Après la conclusion d’une transaction, il se peut que son application cause de nouveaux différends entre les parties et donc qu'une partie refuse d'exécuter ses obligations. Le cas échéant, il est possible d’en demander l’homologation au tribunal[4] afin de pouvoir en forcer l’exécution[5] comme s’il s’agissait d’un jugement. 

Si une partie demande l’homologation d’une transaction, le tribunal doit s’assurer que l’entente intervenue entre les parties constitue bel et bien une transaction au sens de la loi[6].

À cette fin, la partie qui désire faire homologuer une transaction doit notamment faire la preuve d’au moins trois des éléments suivants :

  • La transaction poursuit un des trois objectifs prévus par l’article 2631 C.c.Q., soit prévenir une contestation à naître, terminer un procès ou régler les difficultés qui surviennent lors de l’exécution d’un jugement;
  • Les parties ont fait des concessions ou des réserves réciproques ; et
  • Les parties en sont arrivées à un consensus sur les éléments essentiels de la transaction[7].

Si le tribunal est satisfait de la présentation de la preuve requise, il pourrait accorder l’homologation de la transaction. 

Il est à noter qu'une partie, s'étant trompée sur la nature juridique du litige et qui a tout de même conclut une transaction, ne peut pas faire annuler celle-ci. En effet, l'erreur de droit n'est pas un motif valide pour faire annuler une transaction, comme l'indique la Cour du Québec dans l'affaire Hunter c. Gagnon, 2024 QCCQ 585 (par. 22).

3. Exemple jurisprudentiel

Le jugement Quirion c. Hurtubise[8] a été rendu le 26 mai 2020 par la Cour supérieure. Dans cette affaire, les demandeurs ont dénoncé au défendeur des vices affectant l’immeuble qu’ils lui avaient acheté[9]. Suivant la dénonciation, les vendeurs du défendeur ont été mis en cause et toutes les parties ont décidé de prendre part à une médiation[10].

Lors de la médiation, les parties se sont d’abord entendues sur le fait qu’advenant qu’une transaction soit conclue, la quittance ne porterait que sur les travaux devant être effectués dans le cadre de la réclamation[11].

Ensuite, les parties en sont venues à un accord sur les autres éléments essentiels de la transaction et la médiatrice leur a transmis un projet de quittance[12].

Toutefois, le projet de quittance ne satisfaisait pas le défendeur et les mis en cause. En effet, ceux-ci désiraient que la quittance soit beaucoup plus large et qu’elle contre toute prétention éventuelle des demandeurs[13].

Malgré de nombreuses tentatives, les parties ne sont pas arrivées à trouver un terrain d’entente relativement à cette difficulté[14].  

À l’audience, le tribunal constate à la lecture du rapport de la médiatrice que les demandeurs avaient avisés les autres parties qu’ils n’accorderaient pas une quittance complète puisqu’il restait encore des expertises à faire, et donc que certains frais de réparation n’étaient pas connus[15].

De plus, le tribunal constate que les éléments essentiels de la transaction sont corroborés par la médiatrice[16]. En effet, il constate qu’entre les parties :

  • « [44] « Il y a d’abord une volonté de s’entendre, ensuite le fait de vouloir mettre fin à un litige et troisièmement, d’obtenir une compensation financière pour certains éléments spécifiques qui eux font l’objet d’une quittance. » [17]

Notamment pour ces motifs, le tribunal a accordé l’homologation de la transaction[18].

4. Le rôle de l'avocat dans la négociation d’une transaction

Dans un litige, votre avocat représentera vos intérêts. Il est de même dans la négociation d’une transaction pour mettre un terme au processus judiciaire entamé ou à venir. 

Il est souvent privilégié par notre équipe de régler les litiges à l’amiable lorsque possible. Cependant, il est important de retenir que plusieurs clauses (mode de paiement, quittance, autres clauses nécessaires) doivent être négociées avec l’autre partie afin d’en arriver à une solution globale dans le dossier.  

5. Conclusion

Bien que la transaction ait l’autorité de la chose jugée entre les parties, il est parfois nécessaire qu’elle soit homologuée par un tribunal pour en forcer l’exécution si une partie refuse de s’y conformer. Aux fins de l’homologation, le tribunal s’assurera notamment que les parties en sont arrivées à un consensus sur les éléments essentiels de la transaction. D’ailleurs, il peut être utile de rappeler que lorsque la loi n’exige pas de forme particulière pour la formation d’un contrat, comme c’est le cas de la transaction, celui-ci se forme par le seul échange de consentement[19]. Ainsi, ce sera à celui qui réclame l’homologation de la transaction de faire la preuve que la volonté des parties s’est rencontrée et qu’une transaction est bel et bien intervenue[20].

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Si vous avez des questions particulières concernant les sujets abordés, nous vous conseillons de nous contacter pour fixer une consultation ou de consulter votre avocat.


[1] Brunel c. Vachon, 2019 QCCS 3577, par. 21 ; Taillefer c. Taillefer, 2017 QCCS 1255, par. 70 ; Vachon c. Valeurs mobilières Desjardins inc., 2015 QCCS 792, par. 29.

[2] Art. 2633 al.1 C.c.Q.

[3] Betanzos c. Premium Sound 'N' Picture Inc., 2007 QCCA 1629, par. 14.

[4] Art. 2633 al.2 C.c.Q Taillefer c. Taillefer, préc. note 1, par. 70.

[5] Créditmeubles.com inc. c. Saintil, 2019 QCCQ 6268, par. 8.

[6] Taillefer c. Taillefer, préc. note 1, par. 64.Vachon c. Valeurs mobilières Desjardins inc., préc. note 1, par. 31 ; 

[7] Taillefer c. Taillefer, préc. note 1, par. 69 ; Vachon c. Valeurs mobilières Desjardins inc., préc. note 1, par. 28.

[8] 2020 QCCS 1805.

[9] Quirion c. Hurtubise, 2020 QCCS 1805, par. 4 à 8.

[10] Id., par. 5, 8, 9 et 13.

[11] Id., par. 12.

[12] Id., par. 13 à 17. 

[13] Id., par. 20.

[14] Id., par. 23.

[15] Id., par. 34.

[16] Id., par. 43.

[17] Id., par. 44.

[18] Id., par. 50.

[19] Art. 1386 C.c.Q.

[20] Art. 2803 C.c.Q.

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Auteur de cet article
M<sup>e</sup> Manuel St-Aubin
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

St-Aubin avocats inc. est un cabinet spécialisé en litige civil et commercial, en immobilier et construction. Fort d’une équipe d’expérience en litige, St-Aubin avocats inc. cherche à donner l’heure juste à ses clients, tout en les menant vers les solutions les plus adaptées pour résoudre les problèmes rencontrés. L’approche pragmatique et efficace du cabinet nous permet de trouver des solutions alliant le droit aux affaires. Notre cabinet intervient principalement dans des litiges immobiliers, de construction et des litiges commerciaux (conflits entre actionnaires et conflits commerciaux).