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Une promesse d’achat en partie verbale est-elle valide ?

Une promesse d’achat en partie verbale est-elle valide ?

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Normalement, lors d’un achat d’un immeuble, une promesse d’achat écrite comportant tous les éléments principaux de l’éventuelle vente sera de mise entre l’acheteur et le vendeur, dans laquelle les délais, le prix, etc. seront déterminés. Cela permet de clarifier les droits et obligations de chacun dans le processus menant à l’achat. En cas de non-respect d’une promesse d’achat par une partie, des recours peuvent être envisagés. Mais qu’en est-il d’une promesse d’achat verbale ou en partie verbale ? Peut-elle faire l’objet d’un recours pour forcer une partie à la respecter ? Aperçu de la question en fonction de la jurisprudence.

Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats

Date de rédaction : 2023-05

Date de mise à jour : n/a

Une promesse d’achat verbale est-elle possible ?

Une promesse d’achat conclue et en vigueur entre les parties est un contrat qui qui doit être respecté, à défaut de quoi des recours peuvent êtres envisagés.

Le Code civil du Québec prévoit parfois le formalisme pour certains contrats, de sorte qu’ils doivent être faits par écrit. Cependant, plusieurs contrats n’ont pas nécessairement à être écrits pour être valables et obliger les parties.

En effet, « le contrat est un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation » (art. 1378 C.c.Q.).

Le Code civil poursuit en indiquant que « le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter […] » (art. 1385 al. 1 C.c.Q.).

Ainsi, il se peut très bien qu’un contrat verbal, et ainsi une promesse d’achat, puisse lier les parties. C’est ce qui est notamment illustré dans l’affaire en Cour supérieure du Québec, Busque c. Atelier d'usinage Rock inc., 2023 QCCS 377.

Les éléments essentiels d’une promesse d’achat sur un immeuble

Dans l’affaire Busque c. Atelier d'usinage Rock inc., 2023 QCCS 377, il est question d’une demande en passation de titre faite par le promettant acheteur, ayant pour but de forcer la vente d’un immeuble commercial appartenant à une société par action (compagnie).

La société poursuivie, propriétaire de l’immeuble, était détenue par un seul actionnaire, qui était, avec son épouse, aussi son administrateur. C’est ce dernier qui a négocié avec l’acheteur.

Dans le cadre de discussions, il a été notamment déterminé ce qui suit entre l’acheteur et le représentant/administrateur de la société propriétaire de l’immeuble (par. 16-18, 34) :

  • L’immeuble ;
  • Le prix d’achat ;
  • Le délai de deux ans pour le vendeur afin de pouvoir opérer son atelier après la vente ;
  • Etc.

Suivant les discussions, un document a été signé entre les parties prévoyant ces éléments. À noter que sur ce document, la société propriétaire de l’immeuble n’était pas mentionnée.

Cependant, c’est lorsque le défendeur a discuté avec son épouse, également administratrice de la société, qu’il a tenté de se rétracter de l’entente.  

En défense, le représentant de la société a fait notamment valoir que la promesse d’achat lui était adressée personnellement et qu’elle ne pouvait pas lier la société, qui était la réelle propriétaire de l’immeuble (par. 3).

La Cour accueille finalement la passation de titre.

En effet, dans cette affaire, la Cour considère que les discussions, ainsi que le document sommaire d’offre d’achat contiennent tous les éléments essentiels du contrat envisagé pour la vente de l’immeuble :

  • [44] Tel qu’élaboré ci-après eu égard aux témoignages des trois intervenants (Busque, Tanguay et Dion) et à l’attitude de ce dernier tant le 14 août 2019 que dans les journées suivantes, le Tribunal est en mesure de conclure qu’une entente est bel et bien intervenue sur les éléments essentiels de la vente et que les éléments à préciser peuvent être qualifiés d’accessoires.
  • [45] Sans l’ombre d’un doute, l’objet de la vente est bel et bien déterminé : la propriété où Atelier inc., dirigée par Rock Dion, opère son entreprise d’usinage depuis les années 70 : le 9225, 22e avenue, Saint-Georges. Tant en 2018 qu’en 2019, Busque visite la propriété, s’entretient avec Dion et exprime son désir d’acquérir l’immeuble.

La Cour s’appuie dans son raisonnement sur les articles 1385 et suivants du Code civil du Québec :

  • [42] Dans le cadre de son analyse, le Tribunal doit se référer, dans un premier temps, à des dispositions de principe du Code civil du Québec concernant la formation d’un contrat :
    • «1385. Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter, à moins que la loi n’exige, en outre, le respect d’une forme particulière comme condition nécessaire à sa formation, ou que les parties n’assujettissent la formation du contrat à une forme solennelle.
    • Il est aussi de son essence qu’il ait une cause et un objet.
    • 1386. L’échange de consentement se réalise par la manifestation, expresse ou tacite, de la volonté d’une personne d’accepter l’offre de contracter que lui fait une autre personne.
    • 1387. Le contrat est formé au moment où l’offrant reçoit l’acceptation et au lieu où cette acceptation est reçue, quel qu’ait été le moyen utilisé pour la communiquer et lors même que les parties ont convenu de réserver leur accord sur certains éléments secondaires.
    • 1388. Est une offre de contracter, la proposition qui comporte tous les éléments essentiels du contrat envisagé et qui indique la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation.»
  • [43] Les auteurs et la jurisprudence précisent que l’offre doit comporter tous les éléments essentiels du contrat envisagé afin que la personne qui reçoit l’offre prenne une décision éclairée.

Un administrateur peut-il engager la responsabilité d’une société dans une promesse d’achat : la règle de l’indoor management

Toujours dans l’affaire Busque c. Atelier d'usinage Rock inc., 2023 QCCS 377, il était invoqué en défense que la société propriétaire de l’immeuble n’avait pas ratifié ou approuvé la décision de l’administrateur qui a mené les négociations, de sorte que les discussions ne pouvaient donc pas lier la société.

Or, la Cour réitère que « les actes des administrateurs ou des autres dirigeants ne peuvent être annulés pour le seul motif que ces derniers étaient inhabiles ou que leur désignation était irrégulière » (art. 328 C.c.Q.).

De plus, la Loi sur les sociétés par actions du Québec, RLRQ c S-31.1 (LSAQ), aux articles 13 et 15 prévoit plusieurs présomptions en faveur des personnes qui font affaires avec la société, comme quoi notamment :

  • 13. Les tiers peuvent présumer:
    • 1°   que la société exerce ses pouvoirs conformément aux statuts, au règlement intérieur et à toute convention unanime des actionnaires;
    • 2°   que les documents déposés au registre des entreprises concernant la société contiennent des informations véridiques;
    • 3°   que les administrateurs et les dirigeants de la société occupent valablement leurs postes et exercent légalement les pouvoirs qui s’y rattachent;
    • 4°   que les documents de la société provenant de l’un de ses administrateurs, ou de l’un de ses dirigeants ou autres mandataires, sont valides.
  • 15. La société est, à l’égard des tiers, réputée exercer ses activités dans les limites imposées, le cas échéant, par ses statuts.

Cependant, ces présomptions ne s’appliquent pas « aux tiers de mauvaise foi, ni aux personnes qui, en raison de leurs fonctions au sein de la société ou de leurs relations avec celle-ci, auraient dû avoir une connaissance contraire aux présomptions qui y sont établies » (art. 14 LSAQ).

Dans l’affaire Busque, la Cour a donc déterminé que le promettant acheteur, n’étant pas de mauvaise foi, pouvait se prévaloir de la règle de l’indoor management pour faire valoir ses droits face à la société propriétaire de l’immeuble visé par la passation de titre.

Conclusions

Il est à retenir ceci de l’affaire Busque c. Atelier d'usinage Rock inc., 2023 QCCS 377 :

  • Une promesse d’achat, même si elle n’est pas complètement conclue par écrit, peut être valable ;
  • En effet, ce qui importe pour une promesse d’achat valablement conclue, est qu’il y ait entente entre les parties sur les éléments essentiels de la transaction envisagée ;
  • Un administrateur d’une société peut lier celle-ci face aux tiers, et conclure des contrats qui ont un impact important et majeur sur la société.

Finalement, il importe de retenir l’impact majeur que peut avoir un administrateur sur une société (compagnie) dans le cadre de discussions qu’il peut avoir avec des tiers. Il est donc important de retenir les enseignements de cette affaire ci-haut étudiée avant de conclure des ententes sans concertation avec le conseil d’administration.

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter un avocat.

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Auteur de cet article
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

St-Aubin avocats inc. est un cabinet spécialisé en litige civil et commercial, en immobilier et construction. Fort d’une équipe d’expérience en litige, St-Aubin avocats inc. cherche à donner l’heure juste à ses clients, tout en les menant vers les solutions les plus adaptées pour résoudre les problèmes rencontrés. L’approche pragmatique et efficace du cabinet nous permet de trouver des solutions alliant le droit aux affaires. Notre cabinet intervient principalement dans des litiges immobiliers, de construction et des litiges commerciaux (conflits entre actionnaires et conflits commerciaux).