
Cotisation spéciale imprévue suivant l’achat d’une copropriété : la responsabilité du vendeur en cas de fausse déclaration
L’achat d’une copropriété peut parfois être plus complexe que l’achat d’une maison unifamiliale, dû notamment aux vérifications à faire concernant la déclaration de copropriété, les travaux à venir, l’état du fond de prévoyance, etc. Or, qu’arrive-t-il lorsque des acheteurs d’une unité se retrouvent à devoir payer beaucoup plus en frais de copropriété que cela était prévu au moment de la vente ? Quelle est la responsabilité du vendeur face à une cotisation spéciale surprise pour des travaux qui devaient être faits à la connaissance du vendeur ? La Cour du Québec répond à cette question.
Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats
Date de rédaction : 2025-09
Date de mise à jour : n/a
1. Résumé de l’affaire Mattheis c. Mansour, 2025 QCCQ 3214
Dans cette affaire, les demandeurs avaient acheté une unité de copropriété (condo) au défendeur et lui réclament en dommages l’équivalent de ce qu’ils ont dû payer au syndicat de copropriété pour une cotisation spéciale en lien avec des travaux importants.
Dans le cadre de l’acquisition, les acheteurs avaient reçu copie de la déclaration du vendeur, dans laquelle une description des travaux en cours dans la copropriété était faite, mentionnant que des cotisations spéciales étaient à venir pour ces travaux, avec le détail des sommes à prévoir (par. 20).
Les acheteurs ont demandé et vérifié plusieurs documents provenant de la copropriété. À noter que le défendeur était administrateur de la copropriété au moment où plusieurs de ces documents ont été produits.
Des questions ont été posées au vendeur quant aux travaux de maçonnerie, de cheminée et sur les balcons de la copropriété, au sujet du financement de ces travaux via le fond de prévoyance. Le vendeur, à ce moment, a rassuré les acheteurs en disant que ces travaux étaient financés adéquatement et qu’ils n’auraient pas à débourser de sommes additionnelles (par. 34).
La vente a donc eu lieu avec la garantie légale de qualité pour une somme de plus de 850 000$ (par. 36).
Or, suivant la vente, les acheteurs ont eu le malheur de découvrir en assemblée des copropriétaires que des nouvelles cotisations pour les mêmes travaux dont il était mention dans la déclaration du vendeur et pour des travaux de remplacement des ascenseurs étaient envisagées (par. 38 et ss.).
Finalement, les acheteurs ont dû assumer une cotisation spéciale pour les travaux aux cheminées et balcons de plus de 45 000$ (par. 57).
Le tribunal, dans son analyse, conclut à la responsabilité du vendeur pour cause de dol (fausse déclaration ou réticence à donner l’information exacte). En effet, ce dernier n’aurait pas donné toute l’information en lien avec l’état des cheminées et des balcons (par. 69).
À la lecture de l’analyse du juge dans cette affaire, les principaux facteurs suivants semblent avoir été pris en compte pour retenir la responsabilité du vendeur :
- Le vendeur était administrateur du syndicat de copropriété pendant la période où les problèmes au bâtiment étaient connus, et s’est impliqué dans le conseil d’administration même après la vente de sa copropriété (par. 82);
- En effet, il connaissait bien l’état problématique des balcons, et des cheminées, et à titre d’administrateur il avait connaissance d’un rapport d’expert qui recommandait une restauration complète des balcons (par. 72) et n’a pas fourni ce rapport aux acheteurs (par. 75);
- Suivant les questions posées par le courtier des acheteurs, le vendeur a fait des déclarations fausses ou inexactes par rapport aux fonds disponibles au fond de prévoyance pour les travaux d’urgence de maçonnerie, alors que la cotisation spéciale avait plutôt été faite pour payer des travaux de remplacement des ascenseurs (par. 77 et 78);
- Le vendeur a déclaré dans sa déclaration du vendeur qu’il n’y avait pas de cotisation spéciale à prévoir et qu’il n’y avait pas d’autres facteurs susceptibles d’augmenter les dépenses de façon significative (par. 79), ce qui n’était pas vrai de toute évidence;
- Le vendeur connaissait bien la situation financière du syndicat de copropriété (par. 92);
- Les acheteurs ont été prudents et diligents dans leurs démarches en posant des questions au vendeur quant aux travaux de maçonnerie et leur financement, et se sont fait donner des réponses rassurantes, mais fausses (par. 95 et 100).
Ainsi, le consentement des acheteurs a été vicié pour cause de dol par le vendeur (art. 1401 C.c.Q.), leur permettant de lui réclamer des dommages-intérêts (art. 1407 C.c.Q.) correspondants aux cotisations spéciales imprévues et payées par les acheteurs (plus de 45 000$), plus un total de 6 000$ en dommages moraux pour trouves et inconvénients (par. 101 à 107).
2. Conclusion
Le vendeur d’un immeuble se doit d’être honnête et transparent avec l’acheteur. Autrement, il peut engager sa responsabilité. Ainsi, il est important à toutes les étapes d’une transaction de ne pas cacher sciemment de l’information, de ne pas rassurer inutilement l’acheteur face à des questionnements importants. Le processus pour préparer la déclaration du vendeur doit donc faire l’objet d’une attention et d’une précision importante de la part du vendeur et de son courtier.
De plus, en matière de copropriété, il est nécessaire pour l’acheteur de bien s’informer de l’état de l’immeuble et des finances auprès du vendeur et du syndicat de copropriété. De même, le syndicat de copropriété et le vendeur se doivent d’agir avec honnêteté et transparence, car leur responsabilité pourrait possiblement être retenue, d’autant plus si le vendeur était administrateur du syndicat de copropriété, comme le rappelle la Cour du Québec dans l’affaire Mattheis c. Mansour, 2025 QCCQ 3214.
AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter un avocat.
* Image par Maike und Björn Bröskamp de Pixabay
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