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Logement : le droit au maintien dans les lieux du locataire

Logement : le droit au maintien dans les lieux du locataire

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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En matière de droit du logement, un principe fondamental revient : le droit du locataire au maintien dans les lieux. Qu’en est-il est quelle est la limite à ce droit du locataire? Résumé des principes généraux.

Auteur : Manuel St-Aubin, avocat

Date de rédaction : 2020-05

*À noter que le genre masculin est simplement utilisé afin de simplifier la lecture.

Le droit du locataire au maintien dans les lieux : principe important

Le droit au maintien dans les lieux du locataire est central en droit du logement, comme l’édicte Code civil du Québec (C.c.Q.):

  • 1936. Tout locataire a un droit personnel au maintien dans les lieux; il ne peut être évincé du logement loué que dans les cas prévus par la loi.

« Le locataire qui a droit au maintien dans les lieux a droit à la reconduction du bail à durée fixe lorsque celui-ci prend fin »[1]. Excepté les dispositions applicables en matière de modification des conditions du bail, résiliation, éviction, reprise, etc.[2], il est donc clair qu’en matière de logement, le locataire, de par l'effet de la loi, peut conserver son logement malgré la fin du bail à durée fixe.

Exceptions au droit au maintien dans les lieux du locataire

Les cas suivants constituent les exceptions principales au droit au maintien dans les lieux du locataire, et permettent au propriétaire de mettre fin au bail :

Nouveau propriétaire : peut-il résilier le bail?

Malgré la vente d’un immeuble dans lequel il y a un logement visé par un bail de logement, un nouveau propriétaire (locateur) ne peut résilier le bail du fait qu’il est devenu nouveau propriétaire. De plus, le nouveau locateur prend les obligations de l’ancien propriétaire qui résultent du bail[6]

Le cas des époux, conjoints uni civilement ou conjoints de faits qui se séparent

La question suivante se pose : si un locataire qui est sur le bail a un conjoint qui habite avec lui dans le logement, que le couple se sépare et que le locataire quitte le logement, quels sont les droits en cause?

Le conjoint de fait qui *habite avec le locataire depuis au moins six mois, ainsi que l’époux ou conjoint uni civilement, deviendra locataire et aura droit au maintien dans les lieux de par l’effet de la loi si :

  • À compter du moment le couple cesse de cohabiter, l’autre conjoint qui n’est pas sur le bail continue d’occuper le logement et qu’il avise le locateur dans un délai de 2 mois suivant la cessation de la cohabitation avec l’ex-conjoint[7].

* Petit aparté concernant la définition de la notion d’habitation : la Cour d’appel du Québec, dans l’affaire Vaillancourt c. Dion, 2010 QCCA 1499[8], sous la plume du juge Gagnon J.C.A., a défini cette notion dans le cadre d’application de l’article 1938 C.c.Q. de la façon suivante :

  • [50] La notion d’habitation à laquelle réfèrent ces mots requiert une constance dans l'occupation des lieux qui doit dès lors être concrète et permettre à l'observateur désintéressé d'en venir à une seule conclusion, soit que la personne habite les lieux loués seule ou avec d'autres. Pour habiter les lieux, il faut que l’occupation, par son intensité, ne puisse être qualifiée d'occasionnelle ou ponctuelle. Le visiteur assidu d’un parent ne devient pas pour autant quelqu’un qui habite avec le locataire visité puisque l'occupation est passagère et ne vise pas à demeurer à cet endroit de façon habituelle.

Si le locataire décède, la personne qui habite avec le défunt locataire a-t-il droit au maintien dans les lieux?

En cas de décès du locataire, une personne qui habite avec ce locataire aurait droit au maintien dans les lieux et deviendrait locataire par l’effet de la loi si :

  • Cette personne habitait[9] avec le locataire au moment de son décès;
  • Qu’elle continue d’occuper le logement; et
  • Qu’elle avise le locateur de ce fait dans un délai de deux mois à compter du décès du locataire[10].

Le sous-locataire a-t-il le droit au maintien dans les lieux?

En principe, le sous-locataire ne bénéficie pas du droit au maintien dans les lieux et prend fin au plus tard à la fin du bail[11]. À noter que celui qui sous-loue le logement ou le locateur doit donner un avis de 10 jours au sous-locataire pour quitter les lieux[12].

Le cas du locataire ou son conjoint âgé de 70 ans ou plus

Le propriétaire ne peut reprendre un logement ou procéder à l'éviction si le locataire ou son conjoint est âgé de 70 ans ou plus, et si la situation de ce locataire ou son conjoint répond aux critères suivants édictés par l’article 1959.1 C.c.Q. :

  • Est âgé de 70 ans ou plus;
  • Occupe le logement depuis au moins 10 ans; et
  • A un revenu égal ou inférieur au revenu maximal lui permettant d’être admissible à un logement à loyer modique :
    • cette information est donnée par la Société d’habitation du Québec ici[13].

Cette disposition a notamment pour objet de protéger les personnes âgées de plus de 70 ans à faible revenu d’une reprise ou d’une éviction, mais ne touche pas l’ensemble des personnes âgées de plus de 70 ans.

Un propriétaire pourrait tout de même reprendre un logement d’un locataire ou son conjoint de 70 ans ou plus qui remplit les conditions de protections de l’article 1959.1. En effet, le propriétaire, pour reprendre un tel logement, doit remplir une des conditions suivantes également prévues à l’article 1959.1 C.c.Q. :

  • 1°   il est lui-même âgé de 70 ans ou plus et souhaite reprendre le logement pour s’y loger;
  • 2°   le bénéficiaire de la reprise est âgé de 70 ans ou plus;
  • 3°   il est un propriétaire occupant âgé de 70 ans ou plus et souhaite loger, dans le même immeuble que lui, un bénéficiaire âgé de moins de 70 ans.

AVERTISSEMENT : Cet article ne couvre pas les sujets d’exceptions suivants

  • Bail dans un établissement d’enseignement : voir articles 1979 et suivant C.c.Q.;
  • Bail d’un logement à loyer modique : voir articles 1984 et suivants C.c.Q.;
  • Bail d’un terrain destiné à l’installation d’une maison mobile : voir articles 1996 et suivants C.c.Q.

AVIS : Les informations de cet article sont d’ordre général et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique, contactez un avocat.


[1] Art. 1941 al. 1 C.c.Q.

[2] Notamment voir articles 1942 et suivant C.c.Q.

[3] Voir articles 1971 et suivants C.c.Q.

[4] Voir articles 1957 et suivants C.c.Q.

[5] Id.

[6] Art. 1937 C.c.Q.

[7] Art. 1938 C.c.Q.

[8] http://canlii.ca/t/2c58r.

[9] « Pour habiter les lieux, il faut que l’occupation, par son intensité, ne puisse être qualifiée d'occasionnelle ou ponctuelle », voir le par. 50 de Vaillancourt c. Dion, 2010 QCCA 1499, http://canlii.ca/t/2c58r.

[10] Art. 1938 al. 2 C.c.Q. : voir cet alinéa pour plus de détail concernant le mode de fonctionnement en cas de décès du locataire.

[11] Art. 1940 C.c.Q.

[12] Id.

[13] http://www.habitation.gouv.qc.ca/espacepartenaires/coops_osbl/hlm_prive/programmes/hlm_prive/exploitation_dun_projet/plafonds_de_revenu_prbi_loyers_medians_et_grilles_de_ponderation.html

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Auteur de cet article
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

St-Aubin avocats inc. est un cabinet spécialisé en litige civil et commercial, en immobilier et construction. Fort d’une équipe d’expérience en litige, St-Aubin avocats inc. cherche à donner l’heure juste à ses clients, tout en les menant vers les solutions les plus adaptées pour résoudre les problèmes rencontrés. L’approche pragmatique et efficace du cabinet nous permet de trouver des solutions alliant le droit aux affaires. Notre cabinet intervient principalement dans des litiges immobiliers, de construction et des litiges commerciaux (conflits entre actionnaires et conflits commerciaux).