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Vices cachés dans un immeuble rénové (flip immobilier) : attention à la responsabilité du vendeur et de l’entrepreneur pour les travaux à l’origine des vices

Vices cachés dans un immeuble rénové (flip immobilier) : attention à la responsabilité du vendeur et de l’entrepreneur pour les travaux à l’origine des vices

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Lorsqu’un immeuble résidentiel présenté comme rénové est affecté de vices cachés, qui est responsable ? La Cour supérieure du Québec, dans l'affaire Valicenti c. Kulaveerasingam, 2025 QCCS 1525, rappelle que le vendeur n’échappe pas à la responsabilité, ni l’entrepreneur ayant réalisé les travaux mal faits qui ont causé les vices. Ce jugement clarifie plusieurs principes fondamentaux en matière de vices cachés et d’action en garantie.

Auteur : Manuel St-Aubin, avocat associé chez St-Aubin avocats

NOTE : Pour un résumé sur la notion de vices cachés, lire notre article Vices cachés : 10 choses à retenir.

1. Infiltration d’eau après l’achat d’une maison rénovée : résumé des faits du dossier Valicenti c. Kulaveerasingam

Dans l'affaire Valicenti c. Kulaveerasingam, 2025 QCCS 1525, le vendeur avait initialement acheté l'immeuble dans l'intention de le revendre après avoir fait des rénovations importantes, opération plus connue dans le milieu de l'immobilier comme un « flip immobilier » (par. 7).

Le vendeur a ainsi dépensé plus de 350 000$ en rénovations pour modifier substantiellement l'immeuble, en ajoutant notamment une rallonge au dessus du garage contenant la chambre à coucher principale. Cette rallonge était pourvue de lucarnes. Des plans d'architectes ont été faits pour ces travaux (par. 9-11), et ces travaux ont été faits par un entrepreneur en construction engagé par le vendeur.

Cependant, comme le souligne le tribunal, les lucarnes n'ont pas été construites selon le plan d'architecte, pour des raisons d'économie (par 12).

Suivant les rénovations, le vendeur a mis en vente l'immeuble, mais l'immeuble ne s'est pas vendu pendant une période de près de quatre ans. Ainsi, l'immeuble a été mis sur le marché et retiré à six reprises pendant cette période (par. 13). Pendant cette période, une première infiltration d'eau est survenue dans une des lucarnes construite.

L'immeuble a finalement été acheté par les demandeurs en 2017, alors que cet immeuble était décrit comme « une maison spacieuse, entièrement rénovée et dotée d’un grand jardin » (par. 17).

La déclaration du vendeur, contenait plusieurs fausses déclarations, notamment qu'il n'y avait pas eu d'infiltration d'eau dans la maison ni d'accumulation de glace sur le toit (par. 19).

Les acheteurs ont fait inspecter la maison par un inspecteur, qui a soulevé plusieurs problèmes, mais pas de problème particulier en lien avec les lucarnes qui ont été ajoutée lors des rénovations (par. 20-22).

Une réduction du prix de vente a été négociée en lien avec les éléments soulevés lors de l'inspection (par. 23-24), et l'immeuble a finalement été acheté pour la somme de 1 160 000$ avec garantie légale de qualité (par. 25).

Dans les mois suivants l'achat, les acheteurs ont procédé à quelques rénovations mineures, mais une importante infiltration d'eau est survenue., obligeant les acheteurs a entamer des travaux correctifs importants de plus de 400 000$ pour faire cesser ces infiltrations, notamment de reconstruire toutes les lucarnes, de remplacer la toiture au centre du toit et la toiture de la rallonge, etc. (par. 36).

Ainsi, la question s'est posée : qui est responsable des vices ?

2. La responsabilité du vendeur et de l'entrepreneur pour les vices cachés

a) La responsabilité du vendeur

Le tribunal, toujours dans l'affaire Valicenti c. Kulaveerasingam, 2025 QCCS 1525, rappelle les quatre (4) critères pour démontrer l'existence d'un vice caché, soit que 1) le vice doit être grave, 2) existant au moment de la vente, 3) caché au moment de la vente, et 4) inconnu de l'acheteur (par. 44).

Ainsi, le tribunal, suivant la preuve d'experts, juge que la mauvaise construction des lucarnes et des combles a causé des problèmes de ventilation dans toute la charpente de toiture, et que ces problèmes sont à l'origine de l'infiltration d'eau à cause notamment de condensation et d'accumulation de glace sur le toit (par. 52 et 61-62). , ce qui constitue un vice de construction .

Sur le caractère caché du vice, le tribunal, bien qu'ayant jugé qu'il existait des indices importants de problème de ventilation dans les combles et lucarnes lors de l'inspection (par. 75) - ce qui pourrait faire en sorte que le vice ne soit pas caché - les fausses déclarations du vendeur dans la Déclaration du vendeur ont induit en erreur les acheteurs et leur inspecteur, en donnant aux « Demandeurs un faux sentiment de sécurité quant à l’état du Bien et à son aptitude à l’usage » (par. 116). Ainsi, de par ses fausses déclarations, les vices de ventilation sont devenus « juridiquement caché » (par. 118).

Outre la responsabilité pour vices caché, le tribunal a jugé que le vendeur était également responsable pour dol, car ayant délibérément tenté de tromper les acheteurs avec ses fausses déclarations. La responsabilité du vendeur pour dommages-intérêts a donc été retenue en vertu de l'article 1401 du Code civil du Québec (par. 155).

b) La responsabilité de l'entrepreneur

Quant à l'entrepreneur ayant effectué les travaux fautifs à la demande du vendeur, le tribunal a retenu sa responsabilité dans le cadre de l'action en garantie du vendeur, pour les raisons suivantes citées dans le jugement :

  • 249.1. [Il] a construit la Rallonge sans évent de toit, contrairement à ce que prévoyaient les plans de l’architecte[105];
  • 249.2. L’ouverture pratiquée [...] entre la toiture principale et la Rallonge était trop petite pour permettre une ventilation adéquate de cette partie des combles;
  • 249.3. L’ouverture pratiquée entre la lucarne ajoutée [...] dans la partie principale de la toiture était insuffisante pour permettre une ventilation adéquate de cette lucarne vers les combles;
  • 249.4. [Il] n’a pas suivi les plans de l’architecte qui prévoyaient une « toiture chaude ».

Bien que le tribunal indique ne pas pouvoir « distinguer avec précision la part des dommages-intérêts qui ont été causés par les vices de construction » de l'entrepreneur, il a dû procéder par approximation pour déterminer le niveau de responsabilité de ce dernier (par. 253), selon ce qui suit :

  • [254] Les dommages causés à la Rallonge construite par Inox sont considérables. C’est à cet endroit que l’infiltration d’eau était la plus importante, d’après les éléments de preuve. Cela dit, les vices du balcon et de la lucarne du bureau de Mme Sparagis ont également provoqué d’importants dégâts d’eau dans cette pièce et dans la cuisine située en dessous. En outre, les vices de ventilation dans la partie principale des combles ont contribué de manière importante à l’infiltration d’eau, pour laquelle Inox n’est pas responsable.
  • [255] Compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal estime qu’Inox est responsable de la moitié (50 %) des dommages-intérêts que le Défendeur est condamné à verser aux Demandeurs.

Ainsi, l'entrepreneur ayant fait des travaux de rénovation a été tenu à supporter 50% de la réclamation accueillie contre le vendeur.

3. Conclusion

L'affaire Valicenti c. Kulaveerasingam, 2025 QCCS 1525 est un bon rappel jurisprudentiel en matière de vices cachés, à l'effet qu'un entrepreneur peut possiblement être retenu responsable pour des travaux mal faits qui sont à l'origine d'un vice. À cet égard, un vendeur qui est poursuivi en vices cachés doit se poser la question à savoir si les travaux à l'origine des vices ont été mal exécutés par l'entrepreneur.

Cette décision est aussi un bon rappel de prudence en matière de flip immobilier : le vendeur ne doit pas cacher des éléments importants à un potentiel acheteur, et doit s'assurer de la qualité de la construction faite sur l'immeuble lorsqu'il embauche des entrepreneurs.

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de nous contacter pour parler à un avocat.

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Auteur de cet article
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

St-Aubin avocats inc. est un cabinet spécialisé en litige civil et commercial, en immobilier et construction. Fort d’une équipe d’expérience en litige, St-Aubin avocats inc. cherche à donner l’heure juste à ses clients, tout en les menant vers les solutions les plus adaptées pour résoudre les problèmes rencontrés. L’approche pragmatique et efficace du cabinet nous permet de trouver des solutions alliant le droit aux affaires. Notre cabinet intervient principalement dans des litiges immobiliers, de construction et des litiges commerciaux (conflits entre actionnaires et conflits commerciaux).