Mur de soutènement : aspects juridiques
Il arrive qu’un propriétaire puisse subir un préjudice en lien avec l’état d’un mur de soutènement installé sur un terrain voisin. Le cas échéant, quels sont les principes juridiques applicables ?
Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat et associé chez St-Aubin avocats
Date de rédaction : 2024-04
Date de mise à jour : n/a
1. Qu’est-ce qu’un mur de soutènement ?
Un mur de soutènement est un « mur permanent et généralement incliné qui s'oppose à la pression latérale exercée par un matériau et qui le contient »[1]. Ce type de construction peut être fait en bois, en pierre, en béton, etc.
Ce type de construction se retrouve fréquemment lorsqu’il y a des dénivelés entre plusieurs terrains, et a notamment pour but de retenir le sol.
Ces constructions permettent aussi de remblayer un terrain pour garder un terrain au même niveau pour favoriser l’implantation de constructions.
2. Les règles applicables aux murs de soutènements
a) Règles générales
Le Code civil du Québec comporte plusieurs règles applicables aux constructions, dont celles-ci qui peuvent s’appliquer aux murs de soutènement et autres constructions :
- Un propriétaire doit éviter qu’une construction ou un ouvrage sur son terrain tombe sur le terrain voisin, y compris sur la voie publique. À cet égard, il doit faire les travaux nécessaires pour éviter cette éventualité (art. 990 C.c.Q.) ;
- S’il fait des constructions, notamment via l’installation d’un mur de soutènement ou un nivellement de son terrain, un propriétaire ne doit pas ébranler le terrain d’un voisin ni les constructions et ouvrages qui s’y trouvent (art. 991 C.c.Q.) ;
- Un propriétaire doit éviter de construire un mur sur le terrain voisin (il doit éviter d’empiéter) ;
- Un propriétaire doit éviter d’aggraver l’écoulement naturel des eaux (voir servitude d’écoulement des eaux) ;
- Un mur de soutènement peut être une construction mitoyenne s’il est construit ou implanté directement sur la ligne séparative entre deux propriétés. Le cas échéant, les règles de la mitoyenneté pourraient s’appliquer en sus des règles précédentes.
- Etc.
Ainsi, si un mur de soutènement cause ou menace de causer problème au terrain du propriétaire voisin, ce dernier pourrait recourir à l’injonction pour forcer le propriétaire du mur de procéder à des travaux.
Aussi, il pourrait arriver qu’un propriétaire force le propriétaire voisin de construire un mur de soutènement pour remédier à des problématiques causées par des travaux de creusage ou de remblais, etc., tel que cela a été le cas dans l’affaire Sirois c. Lévesque-Gagné, 1996 CanLII 5806 (QC CA)[2].
Finalement il est important de mettre dans la balance l’application de l’article 976 C.c.Q. qui impose aux voisins d’accepter les inconvénients normaux du voisinage[3]. Cependant, « le propriétaire d’un fonds ne peut imposer à ses voisins de supporter des inconvénients anormaux ou excessifs »[4].
b) Règles municipales
Des règles particulières sont applicables dans chaque municipalité et ville, ainsi il est nécessaire de se rapporter aux règlements municipaux applicables.
Par exemple, si le mur de soutènement est non-conforme à la réglementation municipale, le procureur général, l’organisme compétent, la municipalité ou tout intéressé peut notamment demander au tribunal d’ordonner que les travaux soient exécutés afin de rentre le tout conforme, en vertu de l’article 227 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, RLRQ c A-19.1 (LAU).
Si un mur de soutènement est tellement en mauvais état qu’il peut mettre en danger des personnes, l’article 231 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, RLRQ c A-19.1 (LAU) octroi notamment un droit de demander l’exécution de travaux ou la démolition pour remédier à la situation. Cette demande peut être faite par la municipalité ou par tout intéressé et peut être instruite dans un délai d’urgence[5].
La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire 9175-7468 Québec inc. c. Montréal (Ville de), 2015 QCCA 811, confirme que ces recours en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme « s’ajoutent aux recours de droit commun comme l’injonction permanente et l’injonction interlocutoire » (par. 44.).
3. Conclusion
Plusieurs règles peuvent entrer en application en ce qui concerne un mur de soutènement, notamment les règles du Code civil du Québec et municipales. Tout est évidemment une question de fait et souvent des expertises seront nécessaires afin de permettre au tribunal de trancher.
Finalement, comme la Cour supérieure l’indique dans l’affaire Tremblay c. Massicotte, 2006 QCCS 3883, « Les relations de bon voisinage veulent que les deux propriétaires entreprennent les travaux requis pour aménager de part et d’autre leur propriété, de façon adéquate et dans le respect réciproque qu’ils se doivent ». Ainsi, les tribunaux, bien que leur rôle soit de rendre jugement, rappellent aux justiciables l’intérêt des voisins de se concerter afin de trouver des solutions à l’amiable.
AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter un avocat.
[1] Définition tirée de l’Office québécois de la langue française, https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/26541708/mur-de-soutenement.
[2] À noter que cette décision est toujours largement citée par les tribunaux.
[3] Selon la Cour supérieure dans l’affaire Mercier c. Mercier, 2020 QCCS 407, par. 41-44.
[4] Ciment du St-Laurent inc. c. Barrette, 2008 CSC 64, Par. 86.
[5] Pour en savoir plus, voir Sorel-Tracy (Ville de) c. Dupuis, 2013 QCCA 1569, https://canlii.ca/t/g0mfc, citant l’affaire Acton Vale (Ville) c. Lemoyne, 1997 CanLII 9989 (QC CA) (https://canlii.ca/t/1ncf6) concernant le pouvoir discrétionnaire du tribunal dans l’application de l’article 231 LAU; Voir aussi Municipalité de Crabtree c. Beauchamp, 2018 QCCS 526, https://canlii.ca/t/hqg8p.
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