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Règlement à l’amiable en matière de vices cachés : attention avec qui régler

Règlement à l’amiable en matière de vices cachés : attention avec qui régler

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Lors de la découverte d’un vice caché dans un immeuble, il se peut que la responsabilité de l’inspecteur préachat soit engagée avec celle du vendeur. Il arrivera que les acheteurs veuillent régler à l’amiable avec une partie et non avec l’autre. À cet égard, l’affaire Pothier c. Viard, 2022 QCCS 354 est un bon rappel des risques d’un acheteur d’accorder une quittance à seulement une seule des parties responsables d’un vice caché dans le cadre d’un règlement à l’amiable.

Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat

Date de rédaction : 2022-03

Dernière mise à jour : n/a

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de consulter un avocat.

1. Résumé de l’affaire Pothier c. Viard, 2022 QCCS 354

Dans cette affaire, les demandeurs poursuivent la vendeuse de l’immeuble à cause qu’ils auraient découvert un vice caché lié à la contamination du sol causé par un vieux réservoir de mazout enfoui et troué. Une demande de plus de 205 000$ en réduction du prix de vente et dommages a donc été déposée à la Cour contre les vendeurs.

Parallèlement, l’inspecteur préachat avait également été mis en demeure au début du dossier, et la vendeuse a réglé le dossier à l’amiable avec lui puisqu’il a versé une somme « de 5 683 $ pour régler le coût de l’enlèvement du réservoir et de l’excavation de certains sols contaminés » (par. 5). Une quittance complète lui a ainsi été accordée.

La Cour a conclu qu’il s’agissait bel et bien d’un vice caché, et a accordé la moitié de la réclamation. D’où l’interrogation : pourquoi seulement la moitié de la réclamation a été accordée?

La réponse se trouve dans l’effet de la quittance donnée à l’inspecteur par les acheteurs dans un règlement à l'amiable intervenu avant le procès.

2. La responsabilité de l’inspecteur préachat et l’effet de la quittance

Toujours dans l’affaire Pothier c. Viard, 2022 QCCS 354, bien que l’inspecteur préachat n’ait pas été poursuivi dans le dossier, sa responsabilité a été retenue par la Cour (par. 65).

En effet, la Cour a déterminé que celui-ci a manqué à ses obligations, car il n’a pas investigué des signes apparents qui auraient pu mener à la constatation de ce vice. Ici, le conduit menant au réservoir souterrain de mazout était visible selon les photos de l’inspection. La Cour conclut que l’inspecteur a ainsi « omis de signaler la présence du conduit, et de recommander aux demandeurs de faire enquête, [ce qui] constitue une faute professionnelle » (par. 56).

Par ailleurs, la Cour rappelle que la déclaration du vendeur ne peut faire en sorte de dégager la responsabilité de l’inspecteur préachat devant des vices apparents :

  • [54] Toujours selon monsieur Gervais, un inspecteur prudent et diligent ne peut se cacher derrière les déclarations du vendeur pour expliquer pourquoi il a omis de déceler un vice apparent.  L’inspecteur doit savoir que celles-ci peuvent être erronées ou même destinées à tromper.  Le Tribunal partage cet avis.
  • [55] Ainsi, voyant le conduit sous la verrière, monsieur Bluteau ne pouvait se fier à la déclaration de madame Viard selon laquelle il n’y avait à sa connaissance aucun réservoir sous terre. 

La Cour a donc conclut que l’inspecteur préachat était responsable à 50% avec les vendeurs (par. 64). L’obligation avec les vendeurs est qualifiée de in solidum par la Cour (par. 60).

3. L’effet de la quittance donnée à l’inspecteur préachat

Comme nous le rappelions ci-dessus, les demandeurs n’ont pas poursuivi l’inspecteur préachat car ils avaient réglé à l’amiable avec celui-ci.

La Cour, considérant l’inspecteur responsable à 50%, considère la transaction-quittance intervenue comme une remise de dette (1690 C.c.Q.) à l’égard de l’inspecteur, ce qui fait en sorte que les acheteurs ne peuvent réclamer que 50% de la réclamation totale aux vendeurs.

En effet, la Cour, toujours dans l’affaire Pothier c. Viard, 2022 QCCS 354, considère que l’obligation avec les vendeurs est in solidum :

  • [60] En raison de sa faute professionnelle, monsieur Bluteau était, avant de recevoir une quittance des demandeurs, responsable envers les demandeurs in solidum avec madame Viard, dont la responsabilité découle de la garantie légale de l’article 1726 C.c.Q[28].
  • [61] Selon les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina, l’obligation in solidum produit les mêmes effets principaux que l’obligation solidaire. Ainsi, chaque débiteur (en l’occurrence monsieur Bluteau et madame Viard) est tenu responsable du tout à l’égard du créancier. Si l’un des débiteurs acquitte l’obligation, il peut, grâce à la subrogation, récupérer de l’autre codébiteur la part de ce dernier[29].
  • [62] Un autre effet de la solidarité, et de l’obligation in solidum, est le fait que lorsque le créancier libère un des codébiteurs de la dette, les autres codébiteurs sont libérés de la part de la dette attribuable à celui qui a été libéré[30]:
    • Si le créancier accorde une remise de dette expresse à l’un des codébiteurs solidaires, cette remise ne libère que ce dernier et non les autres (art. 1690, al. 1 C.c.Q.). Si le créancier réclame l’exécution de l’obligation à un autre des codébiteurs, il convient de déduire du montant réclamé la part de celui auquel il a fait remise, même si le montant versé par le débiteur pour être libéré est inférieur à cette part.
  • [63] Dans les faits, les demandeurs ont donné une quittance (accordé une remise totale) à monsieur Bluteau en mars 2018, pour des dommages découlant de la contamination de l’immeuble, en contrepartie de sa contribution modeste au coût des travaux de correction[31].  L’effet de cette remise a été de libérer madame Viard de la partie de la dette imputable à monsieur Bluteau.

L’effet de la quittance en lien avec le règlement à l’amiable avec l’inspecteur, alors que celui-ci était responsable avec les vendeurs, a fait en sorte de retrancher 50% de la réclamation (par 66).

4. À retenir

L’affaire Pothier c. Viard, 2022 QCCS 354 est un bon rappel sur ce qui suit :

  • En cas de responsabilité de plusieurs personnes, identifier les niveaux de responsabilité de chaque personne impliquée;
  • Si une transaction doit être conclue avec une personne et pas une autre alors que plusieurs personnes sont responsables, comprendre la portée de la transaction face aux réclamations en cause.

L’exercice n’est pas simple et implique une analyse complète et approfondie du dossier.

Ici l’exemple jurisprudentiel était en matière de droit immobilier, mais cela pourrait s’appliquer dans d’autres matières de droit civil lorsqu’il y a plusieurs responsables pour un seul préjudice.

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter nos avocats.

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Auteur de cet article
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

St-Aubin avocats inc. est un cabinet spécialisé en litige civil et commercial, en immobilier et construction. Fort d’une équipe d’expérience en litige, St-Aubin avocats inc. cherche à donner l’heure juste à ses clients, tout en les menant vers les solutions les plus adaptées pour résoudre les problèmes rencontrés. L’approche pragmatique et efficace du cabinet nous permet de trouver des solutions alliant le droit aux affaires. Notre cabinet intervient principalement dans des litiges immobiliers, de construction et des litiges commerciaux (conflits entre actionnaires et conflits commerciaux).