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LES RESPONSABILITÉS ET OBLIGATIONS DES INTERVENANTS ET DU COURTIER DANS UNE TRANSACTION IMMOBILIÈRE

LES RESPONSABILITÉS ET OBLIGATIONS DES INTERVENANTS ET DU COURTIER DANS UNE TRANSACTION IMMOBILIÈRE

Écrit par Me Manuel St-Aubin
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Sommaire

Le présent texte est rédigé dans le cadre d'une formation donnée aux courtiers immobiliers du Québec, principalement en matière de transaction résidentielle. Il a pour but d'analyser les aspects juridiques à chaque étape d'une transaction immobilière, de la signature du contrat de courtage jusqu'à la vente de l'immeuble. Les règles de droit applicables aux parties ainsi qu'aux courtiers sont examinées, exemples jurisprudentiels à l'appui.

Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat chez St-Aubin avocats

Date de rédaction : 2025-11

Dernière mise à jour : n/a

I. LE CONTRAT DE COURTAGE ET LES ÉTAPES PRÉALABLES À LA TRANSACTION

1. Validité du contrat de courtage

Rappel : en tout temps, un courtier immobilier doit agir avec honnêteté, loyauté et compétence, et divulguer tout conflit d’intérêt (art. 21 de la Loi sur le courtage immobilier, RLRQ c C-73.2 ci-après la « LCI » ).

a) Exigence d'une forme écrite :

Pour une transaction « résidentielle » au sens de la LCI, le formulaire élaboré par l’OACIQ est obligatoire (art. 24 LCI). Autrement, les conséquences peuvent être les suivantes :

  • Un contrat de courtage verbal peut être frappé de nullité (art. 26 al. 2 LCI);

La remise du double du contrat de courtage au client est une condition de validité (art. 25 LCI). Autrement, il peut y avoir une difficulté de réclamer la commission au client (Cloutier c. Bella, 2024 QCCQ 2477 (petites créances), sauf en cas de ratification Lalonde c. Croteau, 2024 QCCQ 1981 (petites créances) au par. 39-43. Voir aussi Remax-Alliance inc. c. Succession de Lafrenière, 2019 QCCQ 2207, par 41).

En ce qui concerne les autres transactions, l'utilisation d'un contrat de courtage écrit est vivement recommandé.

b) Contenu essentiel : prix demandé, durée, description de l’immeuble, rétribution, etc.

c) Clauses en cas de résiliation :

En matière résidentielle il est important de bien spécifier le type de contrat de courtage pour la protection de la commission en cas de résiliation par le client (conditions prévues à l’art. 27 LCI : contrat exclusif, transaction avec personne intéressée pendant la durée du contrat, délai d'application maximal de 180 jours).

Toujours en matière résidentielle, le courtier peut avoir l'obligation de résilier le contrat sans pouvoir demander de rétribution s'il y a présence d'un conflit d’intérêt (client qui a l’intention de faire une promesse sur un immeuble d’un autre client du courtier – art. 29.1 LCI – sauf exceptions prévues à l’art. 16.1 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, RLRQ c. C-73.2, r.1, ci-après le « Règlement »).

2. Devoir de vérification du courtier

Un courtier « doit vérifier, conformément aux usages et aux règles de l’art, les renseignements qu’il fournit au public ou à un autre titulaire de permis. Il doit toujours être en mesure de démontrer l’exactitude de ces renseignements » (art. 5 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, RLRQ c. C-73.2, r.1).

Les renseignements que le courtier doit vérifier sont notamment les suivants :

  1. Identification du vendeur;
  2. Vérification du titre de propriété et des charges (RDPRM, Registre foncier);
  3. Vérification du zonage et des permis municipaux;
  4. Etc.

3. Les conflits d’intérêts

a) Le courtier a l’obligation de ne pas se trouver en situation de conflit d’intérêts :

Le titulaire de permis doit éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts et, s’il ne peut l’éviter, il doit le dénoncer sans délai et par écrit aux intéressés (Art. 2 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, RLRQ c. C-73.2, r.1)

La Cour supérieure du Québec, dans l’affaire Gardner c. Lavoie, 2015 QCCS 1484 résume bien ce principe :

  • [86] Face à son client, le courtier immobilier a notamment des obligations de prudence, de diligence, de compétence, de disponibilité, d’information et de promotion de ses intérêts.[49] Il doit éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts. L’article 5 des Règles de déontologie de l’ACAIQ prévoit en effet que :
    • 5. Le membre doit éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts et, le cas échéant, il doit le dénoncer aux intéressés.[50] Notre soulignement.
  • [87] La prévention des conflits d’intérêts est un enjeu central du droit professionnel dans une optique de protection du public. Généralement, la notion de conflit d’intérêts vise la situation d’un professionnel qui favorise ou pourrait favoriser ses intérêts personnels ou les intérêts d’un tiers dans le cadre d’un mandat, au détriment de ses devoirs et obligations face à son ou ses clients. Ces éléments ont été reconnus par les comités de disciplines de l’OACIQ au cours des années.[51]
  • [88] Comme l’écrit un auteur :
    • Les professionnels doivent faire preuve d'objectivité et d'indépendance dans l'exercice de leurs activités professionnelles. Les membres de certaines professions encore plus que les autres ont une obligation très stricte de ne pas se placer en situation de conflit d'intérêts ou même d'apparence de conflit d'intérêts.  Ils doivent placer les intérêts de leurs clients au-dessus de leurs propres intérêts dans les actes qu'ils posent et dans les conseils qu'ils fournissent à titre professionnel.[52] Notre soulignement.
  • [89] Ces commentaires sont directement applicables aux courtiers immobiliers qui sont spécifiquement visés par une obligation de prévention de conflit d’intérêts.
  • [90] Puisqu’ils interagissent avec de multiples parties et intérêts potentiellement conflictuels dans le cadre de transactions immobilières, il est impératif de reconnaître une obligation rigoureuse de prévention des conflits d’intérêts pour les agents et courtiers immobiliers. Ils doivent d’abord promouvoir les intérêts de leurs clients qui font appel à leurs services.

b) S’il y a conflit d’intérêt, le courtier a une obligation de divulgation :

Un titulaire de permis et, le cas échéant, ses administrateurs et dirigeants, doivent agir avec honnêteté, loyauté et compétence. Ils sont également tenus de divulguer tout conflit d’intérêts (art. 21 al. 1 LCI).

Cependant, comment définir la notion de conflit d'intérêt pour un courtier?

La Cour supérieure du Québec, dans l’affaire Gaudet c. Paris, 2018 QCCS 5894, illustre bien la teneur de cette obligation :

  • [114] Face aux acquéreurs, le courtier est soumis au régime de responsabilité civile générale envers les tiers (art. 1457 C.c.Q.). Ceci est le cas, car la plupart du temps, aucun lien contractuel ne lie un courtier au tiers acquéreur[36]. C’est donc dire que l’obligation extracontractuelle du courtier peut être engagée en vertu du régime général de responsabilité[37], ce qui inclut l’inaccomplissement d’un devoir imposé par les lois ou règlements applicables[38]. Parmi les principales obligations statutaires et règlementaires du courtier envers les tiers, le législateur a, entre autres, prévu : (a) une obligation de divulgation[39]; et (b) une obligation de conseil[40].
  • [115] Parmi les obligations de divulgation, l’article 21 de la Loi sur le courtage immobilier stipule que le courtier doit « divulguer tout conflit d’intérêts »[41]. Un conflit d'intérêts survient lorsqu'une personne raisonnable, raisonnablement informée, serait en mesure de percevoir que le courtier pourrait favoriser les intérêts d'une partie par rapport à l'autre, pour des raisons autres que celles permises par la loi.

Cependant, dans cette affaire, ce n’est pas le défaut du courtier du vendeur de divulguer le conflit d’intérêt qui est à la source de sa responsabilité face aux acheteurs, mais le fait qu’il a « indûment favorisé les vendeurs et qu’il a refusé de divulguer des renseignements essentiels aux acquéreurs » (par 117).

Ainsi, comme l’indique la Cour supérieure, « un conflit d'intérêts survient lorsqu'une personne raisonnable, raisonnablement informée, serait en mesure de percevoir que le courtier pourrait favoriser les intérêts d'une partie par rapport à l'autre, pour des raisons autres que celles permises par la loi » (par. 115).

Le Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, RLRQ c. C-73.2, r.1 prévoit spécifiquement les obligations suivantes, en lien avec la notion de conflits d’intérêts :

  • Le courtier doit protéger et promouvoir les intérêts de la partie qu’il représente (art. 15 al. 1);
  • Il doit accorder un traitement équitable à toutes les parties à une transaction (art. 15 al. 1);
  • Il ne peut pas faire de représentation contre la partie qu’il représente, ni divulguer d’information confidentielle ou stratégique sauf autorisation écrite (art. 15 al. 2);
  • Il doit aviser toute partie non représentée qu’il représente les intérêts de son client (art. 16);
  • Le cas échéant, il doit aviser son client s’il est lié par contrat de courtage à une autre partie à la transaction (art. 17 al. 1).

II. MISE EN MARCHÉ DE L’IMMEUBLE

Dans tous les cas, un courtier ne peut « faire des représentations ou des publicités fausses, trompeuses, incomplètes ou qui passent sous silence un fait important » (art. 112 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, RLRQ c. C-73.2, r.1).

Le vendeur a une obligation de renseignement importante face à l’acheteur. La Cour supérieure du Québec, dans l’affaire Caron c. Gestion Steeve Brisson inc., 2025 QCCS 3375, fait les rappels suivants :

  • [108] L’arrêt Banque de Montréal c. Bail de la Cour suprême du Canada établit un test à trois critères pour déterminer s’il y a eu un manquement à l’obligation de renseignement. Le créancier de l’obligation de renseignement doit démontrer les trois critères suivants :
    • i. La connaissance, réelle ou présumée, de l’information par la partie débitrice de l’obligation de renseignement;
    • ii. La nature déterminante de l’information en question;
    • iii. L’impossibilité du créancier de l’obligation de se renseigner soi-même ou la confiance légitime du créancier envers le débiteur[61].
  • […]
  • [110] Ainsi, une partie n’est pas tenue de prioriser les intérêts de l’acheteur au détriment des siens, mais un vendeur connaissant un fait important et déterminant qui pourrait influencer la décision d’un acheteur se doit de le dénoncer à ce dernier.

La Cour supérieure, dans l’affaire Gaudet c. Paris, 2018 QCCS 5894, rappelle que face aux tiers, le courtier a une obligation de divulgation et de conseil (par. 114).

1. La fiche descriptive de l’immeuble

La mise en marché d’un immeuble doit être expressément autorisé par écrit par le client du courtier inscripteur (art. 111 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, RLRQ c. C-73.2, r.1).

À défaut de ce faire, l’affaire Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Michaud, 2021 CanLII 133308 (QC OACIQ) du comité de discipline de l’OACIQ se résume ainsi :

  • Infraction : le courtier a mis affiche à l’intérieur de l’immeuble avec son nom et son numéro de téléphone, a mis les informations de l’immeuble sur un groupe fermé sur Facebook, et a fait visiter l’immeuble et donné de l’information à d’éventuels acheteurs (notamment le prix de vente), sans autorisation expresse (par. 8);
  • Résultat : Sur plaidoyer de culpabilité, une amende de 4 000$ a été imposée.

À noter qu’après l’expiration d’un contrat de courtage, un panneau publicitaire relatif à l’immeuble doit être retiré, et le laisser en place ne permet pas de conclure à un renouvellement du contrat de courtage (voir Immeubles Michael White inc. c. 9230-5648 Québec inc., 2022 QCCS 3507, par. 62 et 64).

Le Règlement, détaille ce que doit minimalement contenir une fiche descriptive d’un immeuble (art. 118) :

  1. s’il existe des déclarations du propriétaire de l’immeuble et la disponibilité de tout document en faisant état ;
  2. si l’immeuble est vendu sans garantie légale;
  3. le nom du courtier ou de l’agence à qui a été confié le contrat de courtage suivi de la mention du permis dont il est titulaire;
  4. si le courtier possède un intérêt direct ou indirect dans l’immeuble et que l’avis requis par l’article 18 est disponible;
  5. la mention que le document ou la fiche ne constitue pas une offre ou une promesse pouvant lier le vendeur, mais qu’il constitue une invitation à soumettre de telles offres ou promesses;
  6. sauf instructions contraires écrites du propriétaire de l’immeuble concernant son identité, les informations concernant l’objet du contrat de courtage ou les parties à ce contrat, qui sont nécessaires à la complétion d’une proposition de transaction.

Le courtier a une obligation de vérification des informations divulguées et doit agir avec proactivité pour obtenir et vérifier ces informations. En effet, la Cour du Québec rappelle la règle dans l’affaire Courtemanche c. Pagé, 2021 QCCQ 10464 (petites créances) :

  • [25] Le courtier immobilier a le devoir vérifier les renseignements qu’il collige et publie, et qui sont destinés au public. Il doit être proactif et entreprendre les démarches nécessaires pour découvrir les informations pouvant affecter les parties à une transaction. En cas d’erreur ou d’omission, il ne peut invoquer s’être appuyé sur les déclarations de son client. Il est responsable des dommages causés par l’information erronée ou manquante qu’il devait vérifier.

Dans cette affaire, la responsabilité du vendeur et de son courtier a été retenue face à une déclaration fausse ou inexacte quant à la propriété du chauffe-eau, qui était loué. Le courtier n’avait fait aucune vérification quant à la propriété du chauffe-eau et s’est fié au silence de son client (par. 26). La Cour indique que « l’absence d’information à ces deux rubriques de la Fiche descriptive équivalent à une affirmation qu’il n’existe pas d’appareils loués et qu’un éventuel acheteur n’aura pas de frais de location ni d’énergie gazière en conséquence » (par. 26).

Quant à la responsabilité du courtier face à son devoir de vérification, la Cour supérieure du Québec, dans l’affaire Consultants C3PR inc. c. Investissements Lamontagne inc., 2022 QCCS 1031, fait le rappel suivant :

  • [176] En ce qui concerne le devoir de vérification, le courtier immobilier doit vérifier les renseignements qu’il fournit au public ou à un autre courtier et il doit être en mesure d’en démontrer l’exactitude. Il est à noter que le courtier collaborateur n’a pas les mêmes obligations que le courtier inscripteur en la matière, notamment en ce qui concerne les informations contenues à la fiche descriptive. Ce n’est pas le courtier collaborateur qui obtient les informations du vendeur et qui doit s’assurer de leur exactitude.
  • [177] Règle générale, un professionnel a une obligation de moyens. Afin de déterminer s’il a commis une faute, il faut se demander s’il s’est comporté comme un professionnel raisonnablement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.
  • [178] La règle n’est pas différente pour les courtiers immobiliers. Le courtier immobilier assume donc une obligation de moyens et il faut examiner son comportement par rapport à celui d’un courtier immobilier raisonnablement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.

Pour en savoir plus, lire La responsabilité du vendeur et du courtier face à la fiche descriptive de l’immeuble

2. La déclaration du vendeur

La déclaration du vendeur sur l’immeuble est un document central et d’une grande importance, souvent au cœur des litiges immobiliers en vices cachés, car ces déclarations sont examinées attentivement dans de tels recours afin de savoir si un vice est caché ou non.

En cas de recours en vices cachés, il peut même arriver qu’un courtier soit responsable avec le vendeur si ce dernier a manqué à ses obligations de divulgation (voir Cohen c. Deschênes, 2017 QCCS 660).

En effet, le courtier immobilier a des responsabilités importantes dans l’élaboration du formulaire de Déclarations du vendeur, autant déontologiques auprès de son client, qu’auprès du potentiel acheteur, notamment au terme du Code civil du Québec et du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, RLRQ c C-73.2, r 1.

En effet, selon l'article 84 du règlement précité, le courtier « doit entreprendre les démarches pour découvrir, conformément aux usages et aux règles de l’art, les facteurs pouvant affecter défavorablement la partie qu’il, ou l’agence pour laquelle il agit, représente ou les parties à une transaction ou l’objet même de cette transaction ».

Même lorsque le formulaire de Déclarations du vendeur n’est pas obligatoire dans la transaction (ex. en matière commerciale), le courtier du vendeur doit tout de même « recommander au propriétaire de l’immeuble de fournir ses déclarations sur l’immeuble à toute personne qui se propose d’acquérir un intérêt dans l’immeuble » (art. 82 du Règlement).

Le courtier, dans le cadre de cette démarche, à un devoir de conseil et d’information auprès du vendeur et auprès des autres parties à la transaction (art. 83 du Règlement), et doit « informer la partie qu’il représente et toutes les parties à une transaction de tout facteur dont il a connaissance qui peut affecter défavorablement les parties ou l’objet même de la transaction » (art. 85 du Règlement).

À titre d’exemple, le Comité de discipline de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (l’« OACIQ »), dans l’affaire Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Forté, 2014 CanLII 69407 (QC OACIQ),  rappelle qu’il est de la meilleure pratique de dénoncer les facteurs défavorables relatifs à l’immeuble dans le formulaire de Déclarations du vendeur (par. 67).

Invoquant les principes de bonne foi et les obligations déontologiques du courtier, la Cour du Québec (division des petites créances), dans l’affaire Breton c. Morissette, 2021 QCCQ 10457, rappelle les obligations du vendeur et aussi de son courtier à titre de mandataire de son client :

  • [32] C’est sur cette obligation de bonne foi que repose l’obligation de renseignement ou d’information des parties à un contrat.
  • [33] Auparavant, la Cour suprême avait énoncé qu’une partie ne peut se contenter de répondre honnêtement aux questions de l’autre partie. Elle doit prendre l’initiative de lui divulguer tous les faits qui sont normalement susceptibles d’influencer le consentement de l’autre partie de façon importante.
  • [34] L’obligation de renseignement du vendeur dépasse la question des vices affectant le bien vendu. Son obligation de renseignement s’étend aux faits déterminants, susceptibles d’influencer le consentement de son cocontractant.
  • [35] L’information donnée par le vendeur doit être suffisante et non trompeuse ou parcellaire. Il ne s’agit pas d’un jeu de cache-cache entre le vendeur et l’acheteur.
  • [36] Le courtier immobilier est le mandataire des vendeurs. Il a lui aussi des obligations face à un acheteur potentiel.
  • [37] Le courtier immobilier a le devoir vérifier les renseignements qu’il collige et publie, et qui sont destinés au public. Il doit être proactif et entreprendre les démarches nécessaires pour découvrir les informations pouvant affecter les parties à une transaction. En cas d’erreur ou d’omission, il ne peut invoquer s’être appuyé sur les déclarations de son client. Il est responsable des dommages causés par l’information erronée ou manquante qu’il devait vérifier.

Ces enseignements jurisprudentiels permettent de placer en contexte autant le rôle du vendeur qui signe le formulaire de Déclarations du vendeur que le courtier qui l’assiste.

En cas de déclaration fausse ou inexacte, un vice apparent peut devenir « caché ». La Cour supérieure du Québec, dans l’affaire Crooks c. Nguyen, 2022 QCCS 55, résume bien ce principe :

  • [58] Un vice peut cependant être juridiquement caché. Dans Yargeau c. Carrier, la Cour d’appel énonce que lorsque le vendeur omet de divulguer certains faits ou communique des informations incomplètes ou fausses qui erronément rassure l’acheteur, le vice apparent devient juridiquement caché.

Cependant, l’acheteur a aussi ses obligations. La Cour du Québec, dans l’affaire Grenon c. Gilbert, 2019 QCCQ 5374, explique bien la responsabilité de l’acheteur dans le cadre de sa vérification diligente de l’immeuble :

  • [54] Un acheteur a une obligation de prudence et de diligence lorsqu’il fait l’acquisition d’un bien et il doit l’inspecter raisonnablement. Il doit également apporter une attention particulière à tout indice pouvant laisser présager un problème quelconque[9].
  • [55] Un vice serait considéré apparent si un acheteur raisonnable avait pu le déceler et, dans ce cas, la garantie pour vices cachés ne s’appliquera pas si l’acheteur fait défaut d’exécuter son devoir d’inspection convenablement[10].
  • [56] L’acheteur qui veut être prudent et diligent doit effectuer quelques efforts dans la découverte d’un vice et la simple possibilité d’en découvrir un suffit pour qu’il ne soit pas considéré caché[11].

Pour en savoir plus, lire Le formulaire de Déclarations du vendeur sur l’immeuble : la responsabilité du vendeur et du courtier immobilier

3. La protection des renseignements personnels

Le courtier est assujetti à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, RLRQ c P-39.1[1].

À cet égard, plusieurs obligations spécifiques sont prévues dans le Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, RLRQ c. C-73.2, r.1 :

  • Le courtier doit respecter la confidentialité des informations qui lui sont confiées, ainsi que le secret de tout renseignement personnel recueilli à l’occasion de l’exercice de ses activités (art. 31);
  • Il ne doit pas user des renseignements personnels qu’il a recueillis à l’occasion de l’exercice de ses activités à des fins autres que celles pour lesquelles ils l’ont été (art. 32);
  • Il doit prendre les moyens raisonnables pour que ses employés ou collaborateurs ne révèlent pas ces renseignements personnels (art. 33 al. 1);
  • Il doit s’assurer que ses outils de travail, ses registres et ses dossiers permettent à préserver la confidentialité des documents ou des informations qui s’y retrouvent (art. 33 al. 2);
  • S’il reçoit des renseignements personnels d’un autre courtier dans le cadre d’une transaction, il doit utiliser ceux-ci uniquement pour les fins de la transaction et ne pas les transmettre à un autre courtier, sauf si le courtier qui a transmis initialement ces informations l’autorise (art. 34);

Dans l’affaire Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Doucette-Fraser, 2024 CanLII 92623 (QC OACIQ), un courtier avait partagé des renseignements personnels obtenus de ses clients dans l’exercice de ses fonctions de courtier à un conseiller en sécurité financière. Le comité de discipline de l'OACIQ explique :

  • [64] […] lorsque l’intimé obtient des renseignements personnels dans le cadre de ses activités, il les obtient à titre de courtier immobilier et non pas au cours de l’exploitation d’une entreprise commerciale. […]
  • [65] De plus, pour protéger le public, l’article 31 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité stipule que les informations que le courtier immobilier obtient sont confidentielles et que les renseignements personnels doivent demeurer secrets.
  • [70] […] La protection des renseignements personnels découle du droit au respect de la vie privée. C’est d’ailleurs pour cette raison que les courtiers immobiliers ont l’obligation de préserver la confidentialité des renseignements qu’ils recueillent auprès de leurs clients et des autres parties à une transaction.
  • [71] Enfin, le Comité est d’avis que le commerce de renseignements personnels obtenus dans le cadre d’activités de courtage immobilier est une opération commerciale qui est complètement et manifestement incompatible[20] avec les devoirs déontologiques prévus aux articles 31 et 32 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.

Dans cette affaire, des amendes totalisant 10 000$ ont été imposées au courtier (Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Doucette-Fraser, 2025 CanLII 14100 (QC OACIQ)).

4. Particularité des immeubles détenus en copropriété divise

Le Code civil du Québec prévoit que « celui qui vend une fraction doit, en temps utile, remettre au promettant acheteur une attestation du syndicat sur l’état de la copropriété », et le syndicat doit remettre cette attestation dans un délai de 15 jours de la demande du copropriétaire (art. 1068.1 C.c.Q.). Cet article est entré en vigueur au mois d’août 2025.  

Le contenu de cette attestation comporte notamment : le montant total du fonds de prévoyance en date de l’attestation, le montant total des contributions aux charges communes exigées des copropriétaires par le conseil d’administration lors des 3 années précédentes, et le montant total des contributions aux charges communes payées par les copropriétaires au cours de cette période et une description sommaire des litiges en cours auxquels est partie le syndicat et qui font l’objet d’une procédure devant un tribunal.

En vertu du Règlement établissant diverses règles en matière de copropriété divise, l’attestation doit être datée et comporter la signature de la personne autorisée à la donner, ainsi que son nom et sa qualité.

Pour en savoir plus, lire L’attestation du syndicat sur l’état de la copropriété à remettre au promettant-acheteur.

III. LA PROMESSE D’ACHAT ET LA NÉGOCIATION

Nous passerons à travers des clauses principales du formulaire obligatoire de  promesse d’achat (PA) de l’OACIQ (immeuble principalement résidentiel de moins de 5 logement excluant la copropriété) afin d’analyser les divers principes juridiques à l’œuvre.

Pour en savoir plus sur les conséquences juridiques du non-respect d’une promesse d’achat :

1. – Art. 1 de la PA – Identification des parties

L'identification des parties peut se passer de commentaire. C'est une évidence élémentaire que l'identification des parties doit se faire justement.

Cependant, il se pourrait qu’une personne se propose d’acheter un immeuble pour le compte d’une société à être constituée après la conclusion d’une promesse d’achat. Cela pourrait être le cas pour un investisseur qui se propose d’acheter un immeuble au nom d’une société qui n’est pas encore créée, mais qui sera créée avant la vente. Il est alors question du contrat préconstitutif.

Lorsqu’une personne physique s’engage dans un contrat pour le compte d’une société/compagnie à être prochainement constituée, elle devient personnellement responsable des obligations au contrat en vertu de l’article 320 C.c.Q. :

  • 320. Celui qui agit pour une personne morale avant qu’elle ne soit constituée est tenu des obligations ainsi contractées, à moins que le contrat ne stipule autrement et ne mentionne la possibilité que la personne morale ne soit pas constituée ou n’assume pas les obligations ainsi souscrites.

Les règles applicables et la jurisprudence en matière de contrat préconstitutif nous enseigne ce qui suit :

  • Une personne qui conclut un contrat pour une société à être incorporée est personnellement responsable des obligations contractées à moins qu’une stipulation expresse d’exclusion de responsabilité soit indiquée (art. 320 C.c.Q.) ;
  • Cette personne est dégagée de sa responsabilité personnelle seulement lorsque la société est incorporée et qu’elle a ratifié le contrat (art. 319 C.c.Q.) ;
  • La ratification du contrat par la société peut être « expresse ou tacite », mais il vaut mieux qu’elle soit consignée dans une résolution du conseil d’administration pour éviter toute ambiguïté ;
  • Cette ratification ne doit pas nécessairement être transmise à l’autre partie au contrat pour être valide, mais il est préférable qu’elle le soit.

Pour en savoir plus, lire Signer un contrat pour une société à être constituée : impacts juridiques du contrat préconstitutif

2. – Art. 3 de la PA – Description sommaire de l’immeuble

L’immeuble qui fait l’objet de la promesse doit être décrit adéquatement pour que la promesse soit valide (art. 1388 C.c.Q. – l’« identité » de l’immeuble est un élément essentiel).

3. – Art. 4, 5 et 6 de la PA – Prix, Mode de paiement et Nouvel emprunt

a) L’obtention par l’acheteur d’un prêt hypothécaire (art. 6.1 de la PA) :

Suivant la conclusion de la promesse d'achat, l'acheteur qui s'est engagé à prendre des démarches pour obtenir un prêt doit le faire de bonne foi, à défaut de quoi, il pourrait y avoir faute de celui-ci face au vendeur.

Pour se conformer aux exigences de la bonne foi de l’art. 6.1 de la promesse d'achat, il faut que le promettant-acheteur recherche du financement de façon assidue et continue, démontrant des efforts réels et soutenus. Il est attendu du promettant-acheteur d’avoir une attitude proactive.

La Cour supérieure du Québec, dans l’affaire Lambert c. Timu, 2022 QCCS 4740, énonce la teneur de l’obligation pour l’acheteur de rechercher du financement :

  • [42] En l’espèce, la Promesse d'achat contenait les dispositions suivantes relatives au financement:
    • « […]
    • 6.1 MODALITÉS - L’ACHETEUR s’engage à entreprendre de bonne foi, dans les plus brefs délais et à ses frais, toutes les démarches nécessaires pour obtenir un emprunt de 1 650 000$ garanti par hypothèque; cet emprunt portant intérêt au taux courant, lequel ne doit pas dépasser 3% l’an […], sera calculé selon un plan d’amortissement maximal de 25 ans, le solde devenant exigible dans un minimum de 5 ans. […] »
  • [43] Les clauses 6.1 à 6.3 constituent des engagements de la part du promettant acheteur, le Défendeur, ainsi que des droits pour les promettants vendeurs, les Demandeurs, en cas de défaut de respecter ces engagements. Elles ne prévoient pas une condition suspensive relativement à l'obtention d'un financement. Ces clauses ne font donc pas dépendre l’obligation du Défendeur de se porter acquéreur de l'immeuble de la réussite de ses démarches. Au contraire, l’acquéreur est libéré de son obligation d’acheter si ses démarches d’être financé, faites de bonne foi, ne sont pas fructueuses.
  • [44] Dans une décision sur des faits très similaires, rendue en première instance par la juge Marie-Anne Paquette, et maintenue en Cour d’appel,[8] il fut décidé que :
    • « […] pour se conformer à une telle obligation de recherche de financement, le promettant-acheteur doit faire des démarches de bonne foi de façon assidue et continue. Des efforts réels et soutenus, des démarches concrètes sont requis. Une attitude proactive et non attentiste est de mise. »[9]

Ainsi, si l’acheteur, après avoir convenu de la promesse d’achat, fait des démarches pour se voir refuser sa demande de prêt pour essayer de se défiler de la promesse d'achat, cela n’est pas conforme avec l’engagement à la promesse, ni avec son obligation d’agir de bonne foi et cela peut engager sa responsabilité (voir Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Dubé, 2022 CanLII 69749 (QC OACIQ), par. 3, 69-78)[2].

b) Le financement par le vendeur via une balance de prix de vente (art. 5.5 de la PA) :

Lorsque le vendeur finance une portion du prix d’achat via une balance de prix de vente, il est très important d’agir avec prudence avec les sûretés qui seront demandées. Normalement, une hypothèque de 2e rang, une hypothèque sur les loyers et une clause résolutoire (droit de résolution) seront des outils juridiques utilisés pour garantir le paiement de la balance.

Pour en savoir plus sur les hypothèques et recours hypothécaires :

Pour en savoir plus sur la clause résolutoire :

4. – Art. 7 de la PA – Déclarations et obligations de l’acheteur

Les éléments essentiels à retenir dans cette section de la PA sont :

  • Art. 7.5 – Interdiction de céder la promesse d’achat, sauf sur consentement écrit du vendeur.
  • Art. 7.6 – Dommages au courtier du vendeur si l’acheteur est en défaut de respecter ses obligations de la promesse d’achat (clause analogue à 10.7 de la PA):
    • Applicable uniquement en cas de faute de l’acheteur envers le courtier du vendeur (régime de la responsabilité extracontractuelle : faute/préjudice/lien causal). « Le promettant-acheteur commet une faute à l’égard du courtier lorsqu’il refuse de signer l’acte de vente sans motif sérieux, en invoquant un prétexte ou suite à une erreur de jugement déraisonnable »  (Jeremy Lacroix Courtier immobilier inc. c. Simard, 2024 QCCQ 3013, par. 10);

Pour en savoir plus, lire La réclamation de la commission du courtier en cas de non-respect d’une promesse d’achat.

5. – Art. 8 de la PA – Clause d’inspection

a) L'obligation de recommander l'inspection

La clause d’inspection et l’inspection est fondamentale dans la promesse d’achat pour les raisons suivantes :

  • Essentiel dans le cadre de la vérification diligente de l’acheteur;
  • Essentiel dans l’analyse de la responsabilité du vendeur en cas de vice caché.

Outre ses obligations de conseils face à son client, le courtier (de l’acheteur ou du vendeur) a l’obligation de recommander à l’acheteur potentiel de faire effectuer une inspection complète de l’immeuble par un professionnel ou un inspecteur en bâtiment qui remplit les critères suivants , tel que requis par l’article 81 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, RLRQ c C-73.2, r 1 :

  • Il « détient une assurance responsabilité professionnelle contre les fautes, erreurs ou omissions » ;
  • Il « utilise une convention de service d’inspection reconnue » ;
  • Il « effectue ses inspections conformément à une norme de pratique de l’inspection en bâtiment reconnue », par exemple les normes de l’AIBQ, InterNACHI, éventuellement la norme BNQ 3009-500 (obligatoire à compter de l’année 2024) ;
  • Il « remet un rapport écrit à la partie qui utilise ses services ».

Le courtier peut ainsi fournir à l’acheteur une liste de références d’inspecteurs ou professionnels qui respectent les critères ci-dessus.

b) Le retrait de l’acheteur de la promesse d’achat en application de la clause d’inspection

À la lecture de la clause, les éléments suivants doivent être respectés par le promettant-acheteur pour se retirer adéquatement de la transaction (voir aussi Durand c. Struhal, 2022 QCCQ 993, par. 30):

  • Il doit avoir fait inspecter l’immeuble par un inspecteur en bâtiment ou un professionnel dans les délais déterminés dans la clause ;
  • L’inspection doit révéler un facteur susceptible de diminuer la valeur ou les revenus ou d’augmenter les dépenses face à l’immeuble, et ce facteur doit être « significatif » (notamment si cela serait susceptible de justifier une diminution du prix de vente) – à cet effet, voir affaire Lefrançois c. Kottaras, 2003 CanLII 1058 (par. 14 et suivants);
  • Le tout à l’intérieur du délai fixé par la clause, remettre le rapport d’inspection préachat au vendeur avec l’avis qui indique qu’il rend nulle et non-avenue la promesse d’achat.

Pour en savoir plus, lire Promesse d’achat et clause d’inspection : comment l’acheteur peut se retirer légalement suivant l’inspection préachat ?

6. – Art. 9 de la PA – Examen de documents par l’acheteur

Le courtier doit bien identifier ce qui est demandé. Ces documents sont essentiels à la vérification diligente de l’acheteur.

Malgré le libellé de la clause, la Cour du Québec, dans l’affaire Desbiens c. Perras, 2015 QCCQ 5461, indique que l’acheteur ne peut l’utiliser comme prétexte pour se retirer de la promesse :

  • [24] […] la base de toutes relations contractuelles repose sur la bonne foi laquelle fait partie intégrante de la clause 9 invoquée par [les acheteurs].
  • [25] En conséquence, ces derniers ne peuvent annuler leur promesse d’achat en invoquant des motifs futiles ou mineurs pour se soustraire de leur relation contractuelle à défaut de quoi, ils devront répondre de l’inexécution de leurs obligations envers [le vendeur].

7. – Art. 10 de la PA – Déclarations et obligations du vendeur

Cette section contient des engagements essentiels de la part du vendeur.

Plusieurs litiges peuvent impliquer l’application de la clause particulière 10.5 – Vice ou irrégularité. En effet, cette clause peut aussi trouver application en cas de vice découvert sur l’immeuble, mais doit être scrupuleusement appliquée (voir Renouf c. Beaulieu, 2019 QCCA 1552 et Société immobilière MCM inc. c. Trottier, 2022 QCCQ 8961).

La Cour supérieure du Québec, dans l’affaire Dépatie c. Montpetit, 2023 QCCS 635, indique que l’utilisation de cette clause ne peut être possible en cas d’un vice apparent découvert lors de l’inspection (la clause d’inspection devant avoir préséance) :

  • [28] L’acheteur qui, avant la signature de l’acte de vente, découvre un vice, peut se prévaloir de la clause 10.5 de la Promesse d’achat[18].
  • [29] Cependant, la Promesse d’achat doit être lue dans son ensemble. L’interprétation de la clause 10.5 doit tenir compte, entre autres, de la clause 8 prévoyant les modalités pour l’inspection de l’immeuble, les délais pour ce faire et ceux pour déclarer nulle et non avenue la Promesse d’achat compte tenu d’un facteur se rapportant à l’immeuble.
  • [30] Permettre l’utilisation de la clause 10.5 pour soulever un vice apparent et renégocier les modalités de l’acquisition alors que la clause 8.1 impose à l’acheteur un délai pour soulever « un facteur se rapportant à l’immeuble susceptible de façon significative d’en diminuer la valeur » viderait la clause 8.1 de son sens. Le vice apparent constaté ou connu de l’acheteur doit être soulevé dans les délais prévus à cette clause.
  • [31] L’interprétation de la clause 10.5 que proposent Montpetit et Khoury leur permettrait de renégocier les modalités d’achat ou de déclarer nulle et non avenue la Promesse d’achat sur la base de faits qu’ils connaissent alors qu’ils se déclarent satisfaits de l’inspection et que les délais prévus pour soulever ces faits sont expirés.
  • […]
  • [42] N’ayant pas suivi les recommandations de leur inspecteur, Montpetit et Khoury n’agissent pas avec prudence et diligence. Ils ne peuvent utiliser les modalités de la clause 10.5 de la Promesse d’achat pour soulever un vice apparent dont ils sont avisés.

Les modifications récentes au texte du formulaire obligatoire de promesse d’achat viennent également à dissiper les problèmes d’interprétation quant à l’application de la clause qui doit se faire « à la suite de la réalisation des conditions ». L’on fait notamment la distinction avec l’application de la clause d’inspection, ce qui est conforme avec l’interprétation donnée de cette clause par la Cour supérieure du Québec dans Dépatie c. Montpetit, 2023 QCCS 635.

Pour en savoir plus, lire Découverte d’un vice sur l’immeuble du vendeur entre la conclusion de la promesse d’achat et la vente : l’importance d’appliquer les clauses prévues à la promesse d’achat

8. – Art. 11 de la PA – Déclarations et obligations communes à l’acheteur et au vendeur

a) Art. 11.1 de la PA – délai de signature de l’acte de vente

Parfois, un litige pourra survenir si l’acheteur ou le vendeur ne se présente pas à temps à la signature de l’acte de vente, tel que prévu à l’article 11.1 de la promesse d’achat.

La Cour supérieure du Québec, dans l’affaire Stevens c. Kechichian, 2021 QCCS 3204, rappelle que le délai de signature de l’acte de vente n’est pas un délai de rigueur, sauf si cela est clairement stipulé dans la clause (par. 38, citant la Cour d’appel dans l’affaire Al Arbash International Real Estate Company c. 9230-5929 Quebec inc., 2016 QCCA 2092 aux paragraphes 53 et suivants). Ainsi, même à l’expiration de la date de signature, les parties pourraient continuer d’être liées par la promesse d’achat.

Ainsi, si l’acheteur ou le vendeur refuse de passer titre, un recours en dommages (pour le vendeur) ou en passation de titre (pour l’acheteur) peut être envisagé (Voir Danolo Construction inc. c. 9230-5077 Québec inc., 2025 QCCS 1345). Cependant, cela dépendra beaucoup des circonstances de chaque affaire, notamment en ce qui concerne le comportement des parties.

b) Art. 11.2 de la PA – Occupation des lieux

Dans les cas où le vendeur ne respecte pas l’art. 11.2 de la Promesse d’achat, s’il ne rend pas les lieux disponibles au moment convenu (obligation de délivrance prévue à l’art. 1716 al. 1 C.c.Q.) ou qu’il ne laisse pas les lieux libres de tous bien, le tribunal pourrait accorder des dommages-intérêts à l’acheteur.

Voici quelques exemples jurisprudentiels lorsque des biens sont laissés sur place par le vendeur :

  • Gosselin c. Carmosino, 2020 QCCQ 642 et Quesnel c. Morin, 2015 QCCQ 18264  (petites créances) : Dans ces affaires, des biens du vendeur étaient encore présents à la date de possession, et des dommages ont été accordés à l’acheteur notamment pour la location d’un conteneur, le coût d’un grand ménage et des frais reliés à des nuits dans un hôtel.

Quant au défaut de délivrer l’immeuble à temps, la Cour du Québec, dans l’affaire Bien-Aimé c. Del Zoppo, 2025 QCCQ 1541 (petites créances), des dommages ont été accordés à l’acheteur pour les troubles, inconvénients, stress et perte de jouissance subis car l’acheteur n’avait pas pu intégrer les lieux à la date convenue à l’acte de vente.

c) Art. 11.5 – Inclusions de biens à la vente

Lorsqu’il est question d’inclure des biens supplémentaires qui sont vendus avec l’immeuble, il importe de faire une distinction entre ce qui est un bien meuble et immeuble, et en cas de doute de bien préciser ce qui est inclut dans la vente.

L’on se réfère ainsi à l’obligation de délivrance du vendeur prévue à l’article 1716 du Code civil du Québec pour sanctionner les manquements, notamment lorsque certains biens inclus dans la vente ne sont pas laissés sur place. Lorsque cela arrive, l’acheteur peut notamment demander une diminution du prix de vente correspondance à la valeur des biens qui n’ont pas été délivrés (voir Assemani c. Zoltan, 2024 QCCS 4457, par. 65)

IV. LA GESTION DE LA TRANSACTION PAR LE COURTIER

Il est à rappeler que dans le cadre de ses fonctions, le courtier immobilier a une obligation de moyens (Hayes c. Cuthbert, 2017 QCCS 609, par. 114).

1. La communication avec les divers intervenants

Tel que vu ci-dessus, le courtier, dans le cadre d’une transaction immobilière, a plusieurs obligations, notamment :

  • Il doit protéger et promouvoir les intérêts de la partie qu’il représente (art. 15 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité)
  • Il doit agir avec prudence, diligence et compétence (art. 62 du Règlement);
  • Il doit faire preuve de probité, de courtoisie et d’esprit de collaboration (art. 62 du Règlement);
  • Il ne doit pas poser d’acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession (art. 62 du Règlement);
  • Il doit conseiller et informer avec objectivité les parties à la transaction, sans exagération, dissimulation ou fausse déclaration (art. 83 du Règlement).

Dans l’affaire Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Leboeuf, 2025 CanLII 56870, le comité de discipline de l’OACIQ a déclaré coupable un courtier qui a fait défaut d’informer rapidement le client que des courtiers étaient intéressés par l’immeuble, faisant possiblement perdre des opportunités de visite (par. 130 et suivants).

Dans l’affaire Larouche c. Martin, 2013 QCCQ 9744 (petites créances), les acheteurs reprochaient au courtier du vendeur de ne pas avoir transmis une première offre d’achat qui était en deçà du prix demandé par le vendeur. En effet, les acheteurs se butaient au courtier qui indiquait « qu'en bas de 475 000 $, il ne remplirait aucune offre d'achat, ajoutant qu'il n'a pas de temps à perdre car il est sûr que ce sera refusé » (par. 7). Le tribunal, jugeant que le courtier a commis une faute en ne transmettant pas au vendeur l’offre des acheteurs, a condamné le courtier pour 4 000$ de dommages.

Ainsi, il est à retenir que le courtier doit agir rapidement et avec diligence dans le cadre de la transaction, et transmettre à ses clients les offres qu’il reçoit.

2. Exemples d'erreurs fréquentes sanctionnées

  • Manquement à l’obligation de respecter les délais :
  • Manquement au devoir de vérification des renseignements et informations :
    • La Cour du Québec, dans l’affaire Beaulieu c. Gélinas, 2024 QCCQ 10636 (petites créances), rappelle que le courtier doit vérifier, conformément aux usages et aux règles de l’art, les renseignements que le courtier fournit au public. Cette obligation a aussi comme pendant le devoir de vérifier les informations transmises par son client. Ne pas faire ces démarches peut constituer une faute, en plus d’être un comportement répréhensible envers les promettant-acheteurs (para. 38 à 43).

3. Quand recommander la consultation d’un expert?

Le courtier « doit, lorsque la protection des intérêts d’une des parties à une transaction l’exige, recommander à celle-ci d’avoir recours à un expert reconnu » (art. 80 du Règlement).

Finalement, la Cour supérieure du Québec, dans Gestion Lebeau Gagnon inc. c. Vallières, 2020 QCCS 1988 :

  • [99] Le courtier n’est généralement pas juriste et ne peut donner d’opinion juridique. Il doit cependant conseiller aux parties d’obtenir une opinion auprès d’un expert reconnu « s’il décèle un motif pour ce faire ».

V. CONCLUSION

Le courtier immobilier a plusieurs obligations imposées par la loi et la jurisprudence.

Afin d’évaluer sa responsabilité, la ligne de conduite est principalement celle imposée par la Loi sur le courtage immobilier et le Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. Ainsi, c’est à la lumière de ces obligations que l’on détermine si un courtier a commis une faute engendrant sa responsabilité.

AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter nos avocats.


[1] Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Joncas, 2022 CanLII 51817 (QC OACIQ), par. 91-92.

[2] Dans cette affaire, la mauvaise foi du promettant-acheteur se reflète par plusieurs agissements, tels que demander à la banque de refuser son prêt après avoir présenté une promesse d’achat (par. 71), mentir sur le nombre de documents que le courtier à envoyé relativement à l’art. 9.1 de la PA (par. 60-61), inscrire des informations erronées et non-vérifiées dans le tableau concernant le fonds de prévoyance (par. 66).

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Auteur de cet article
Me Manuel St-Aubin
Avocat chez St-Aubin avocats inc., associé principal.

St-Aubin avocats inc. est un cabinet spécialisé en litige civil et commercial, en immobilier et construction. Fort d’une équipe d’expérience en litige, St-Aubin avocats inc. cherche à donner l’heure juste à ses clients, tout en les menant vers les solutions les plus adaptées pour résoudre les problèmes rencontrés. L’approche pragmatique et efficace du cabinet nous permet de trouver des solutions alliant le droit aux affaires. Notre cabinet intervient principalement dans des litiges immobiliers, de construction et des litiges commerciaux (conflits entre actionnaires et conflits commerciaux).